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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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son courage, mais elle frémissait encore de colère et de déception.
    – L’abbé qui les reçut, les a découragés.
    Qui était-ce ? Nicolas le Vitrier ?
    Non… Pas même son coadjuteur… Nous ne le saurons jamais… Ce que je sais, c’est qu’ils ont passé la nuit peut-être à quelques pas de nous – et sont repartis dès l’aube du lendemain. J’enrage de n’avoir pas été de garde ces jours-là.
    – La destinée…, commença Tristan. Je comprends que Raymond, pour ne point vous peiner, ait longtemps gardé le silence.
    Luciane n’acquiesça point. Son visage penché reprenait sa roseur. D’un sourire léger, compassé, elle invita son oncle à poursuivre.
    – Ton père nous a cherchés. J’en ai fait autant pour lui lorsque nous avons vécu quelque temps à Gratot. Je te confiais aux soins de Guillemette et parfois Raymond me compagnait… Hélas ! Ogier n’est jamais revenu dans sa demeure. Apprenant que les Navarrais tournaient autour d’icelle avec l’intention de la conquérir – ce qui ne s’est pas produit –, je t’ai confiée à Catherine Pigache… et je suis parti pour Rechignac, le châtelet où Ogier avait passé ses enfances et appris le métier des armes… Les serviteurs étaient tous morts de la grande pestilence et le village avait perdu ses âmes. Je revins donc en Cotentin. Tu avais disparu toi aussi… Aucune trace de Catherine… Je suis allé trouver on frère. Messire Pigache m’a congédié, menacé. Sa puissance passait pour effrayante. Il m’a simplement lit que tu étais en Angleterre. C’est tout ce que j’en pus obtenir. Il y avait tant de honte en moi que je n’ai pas osé revenir à Gratot.
    Thierry soupira. Luciane lui donna un baiser sur la joue :
    – Dieu a été bien injuste envers nous, mais si Père vit encore, nous le reverrons !
    Tristan se sentit observé avec une intensité qu’il réprouva. « Non », se dit-il, « qu’elle ne compte pas sur moi ! » Il devait rechercher Oriabel. Il avait pour cela Paindorge à son côté ; Luciane avait Thierry pour retrouver son père.
    Alors qu’ils s’engageaient dans la rue des Étuves-Saint-Michel, Thierry passa ses doigts sous son menton :
    – Je me sens sale et prendrais bien un bain.
    Tristan le dissuada de s’attarder :
    – Tu pourras t’étuver chez Goussot, l’armurier qui nous héberge en attendant de m’ajuster une armure que le roi m’a offerte.
    – Le roi !
    – Je n’en tire nulle vanité. Ce que je sais, compère, pour en revenir aux étuves, c’est que certaines d’entre elles sont des lieux de réunion d’hommes et de femmes de mauvaise vie (511)
    –  Tu ne m’apprends rien !
    – Nous étions à Vincennes avant de prendre logis chez Goussot. Tous les matins, d’un galop, nous partions nous tremper dans la Marne… séparément.
    Tristan sentait fréquemment sur sa joue le regard attentif de Luciane.
    « Qu’elle s’occupe de son oncle, désormais… Je n’ai plus de raison de rester auprès d’elle. Thierry veillera sur sa personne en la menant à Gratot. Non ! Ta présence est obligatoire ! Les routiers sont partout. Il vaut mieux que deux hommes et même trois l’entourent. Paindorge est indispensable. »
    Cependant, il crut opportun d’informer Thierry qu’en septembre il lui faudrait accompagner le roi Jean II en Avignon. Ce prétexte à l’éloignement sinon à la rupture exprimé, Luciane retint mal sa déception :
    – Plus tard ! Plus tard !… Voulez-vous donc ternir ma joie ?
    – Point du tout. Il convient qu’entre nous les choses restent nettes.
    Thierry ne lui sut pas mauvais gré de sa sincérité :
    – Laisse-le dire, ma nièce. Et ne prends pas cet air douloureux. Raconte plutôt comment se sont passées toutes ces années de servitude.
    – Non… J’en serais doulousée… Tristan m’a sauvé au moment où je désespérais de l’être… Je conservais ton image en moi. Tu m’as quittée à l’âge où l’on se souvient… J’ai toujours refusé de dire un mot d’anglais… Cependant, une fois seule, il m’advenait de converser avec moi-même. Jeanne ou Joan n’a jamais su que je comprenais tout ce qu’elle disait sur moi et les autres.
    Luciane se mit à parler d’abondance. Tristan l’écouta sans trop s’intéresser à un récit dont il devenait, avant même qu’il y fût apparu, le héros essentiel. La voix de la pucelle était belle, douce, avec des inflexions de langueur qu’il

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