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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dix compagnons bien adurés aux armes. Nous devions nous saisir d’Édouard de Woodstock et l’amener en France. Il s’en est fallu de peu que son rapt soit accompli. Sans Luciane, qui languissait là-bas, Paindorge et moi serions morts.
    – Quand on s’est vus pour la première fois, Castelreng, dit Thierry Champartel, je sortais de deux mêlées à Vierzon, contre les Goddons (509) . J’avais été petitement navré à l’épaule. Le sire de Craon et Boucicaut nous commandaient.
    – Je n’avais jamais vu une grande estourmie 281 . J’ai eu, ce jour-là, mon content d’horreur et de souffrance.
    Le roncin de Champartel hocha sa grosse tête noire comme s’il avait été là-bas et conservait, au tréfonds de sa mémoire, l’angoisse et la déception d’une journée affreuse. Luciane caressa son chanfrein, tapota son poitrail. Elle aussi ranimait de cruels souvenirs. Cessant de s’occuper du cheval, elle dit avec une lassitude peut-être un peu forcée :
    – Vous n’allez pas ici raconter vos batailles.
    – Certes non, m’amie, dit Tristan.
    Cependant, une question le démangeait. Il la posa sans ambages :
    – Dis-moi, Champartel… Es-tu à l’Archiprêtre ?
    Le ton, plutôt que la formulation de la demande, amena un sourire aux lèvres de Thierry.
    – Non… Je connais Arnaud de Cervole et quelques-uns des hommes qui l’entourent. Je m’en défie comme du diable dont il semble l’homme lige.
    Ils regardèrent le personnage dont ils s’entretenaient. Resplendissant dans son armure de fer, l’Archiprêtre s’engageait sous la voûte d’entrée du palais royal, suivi de ses suppôts et des sommiers chargés peut-être d’un butin souillé de sang et de sanie.
    – Moi, Thierry, je l’abomine.
    – Je te comprends. Je les ai rencontrés en entrant dans Paris. J’ai parolé avec Donat qui chevauchait en dernier. J’allais les quitter pour chercher une hôtellerie lorsque Luciane a couru vers moi. Elle ressemble tant à sa mère que je l’ai reconnue sans hésitation.
    – Tu me vois rassuré pour Arnaud de Cervole. Quant à l’hôtellerie, tu logeras où nous sommes. Alors nous parlerons d’Ogier d’Argouges (510) .
    Thierry baissa la tête. Tristan ne sut qu’ajouter. Luciane écrasa une larme. Paindorge saisit la bride du cheval immobile et lui dit familièrement :
    – Partons, l’ami. Précédons-les. Nous n’avons plus à rester en ce lieu. Dieu vient d’y faire un miracle, il ne recommencera pas.
    *
    Luciane s’inséra entre Tristan et son oncle. Ils piétèrent lentement, bras dessus, bras dessous, vers la Porte Saint-Martin tandis que Paindorge et le destrier noir leur frayaient un passage dans une foule qu’ils voyaient à peine tant ils s’observaient l’un l’autre. Cependant, lorsqu’un groupe de jeunes manants surgit, la plupart torse nu, dans un crépitement de sabots, Thierry leur sourit avec un air d’envie.
    – Ils vont se rafraîchir sous les ombrages de la Seine, dit-il. Je suis déjà venu à Paris en juillet 282 . J’étais, Luciane, à la recherche de ton père. Te souviens-tu que le roi en avait fait son champion ?
    – Oui… Voilà bien une chose que Jeanne de Kent et son époux n’ont jamais sue.
    – Je me disais qu’en raison de ce méchant privilège décidé par le roi Philippe, on savait peut-être quelque chose sur sa disparition. Je n’ai rien obtenu d’autre que des sourires apitoyés… dont je crains qu’ils n’aient été hypocrites.
    – Voilà bien une opinion que j’approuve, dit Tristan. Mais continue, compère !
    Il sentait redoubler l’intérêt de Luciane à la pression de sa petite main sur son bras. Il n’osait trop la dévisager lorsqu’elle le serrait plus fort comme pour le prier de prendre part à un chagrin qu’il n’éprouvait pas.
    – Je suis retourné au Mont Saint-Michel dix ans après l’apparition de la morille 283 , reprit Thierry. Au retour, dans Coutances, j’ai rencontré Raymond, l’écuyer d’Ogier. J’ai su enfin, Luciane, que ton père et Raymond étaient allés au Mont, eux aussi, au temps où nous nous y trouvions  !
    Luciane s’arrêta, comme prise d’un malaise. Son visage s’était blêmi. Brisée, furieuse, palpitante, elle se mordit les lèvres, leur interdisant un cri de rage ou un juron.
    – Continue, Thierry, dit-elle. C’est par méchanceté – mais de quel moine ? – qu’ils ne nous ont pas vus.
    Continue…
    Elle avait recouvré ses forces et

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