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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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portière.
    – Avez-vous bien chevauché, notre dame ?
    Écartant Tristan d’un mouvement du bras, Mathilde se pencha :
    – Fort bien, Panazol !… Ouvre et aide-moi.
    Deux mains solides saisirent la baronne de Montaigny à la taille et la déposèrent sur le sol. « Eh ! Mais il la conserve un peu trop contre lui ! » Cet homme d’armes prenait des privautés avec sa « maîtresse ». S’il croyait tribouler le cœur de son nouvel époux, quelle bévue que la sienne !
    – Eh bien, sautez, Tristan !… Qu’attendez-vous ? Que mon sénéchal vous aide ?
    Sénéchal. Un bien grand mot pour ce falourdeur 39 , solide, aux cheveux et barbe roux. Un gambison de velours noir, élimé, le vêtait. Ses chausses, ses heuses étaient dignes d’un palefrenier. Il riait aux propos chuchotés de Mathilde et cette familiarité, maintenant qu’ils rompaient leur étreinte, pouvait laisser tout supposer. Après avoir salué sans aménité ce larron et les quelques dix hommes immobiles à l’avant de la litière Tristan considéra les cinq tours hautes, massives, les courtines au pied desquelles s’élevaient quelques bâtisses médiocres et mal entretenues et le donjon trapu, surhaussé d’une longue bannière d’un rouge délavé dont les déchirures formaient les seuls ornements. Personne, maintenant, ne disait mot ni ne bougeait. La herse retombait, les vantaux se fermaient poussés par un bossu en sabots et sarrau noir. Sitôt l’enceinte close, il contourna un puits et clopina vers une écurie.
    – C’est bien, c’est bien, Hugonin, dit Mathilde. Soigne nos chevaux, surtout le limonier.
    Elle se tourna, radieuse, vers Tristan :
    – C’est chez moi !
    « Une geôle », songea-t-il.
    Sur le pavé de la cour jonché de mottes de crottin, de flaques d’eau et de bouses visqueuses, un tas fumier dégageait des fumées. Elles n’incommodaient point un essaim de poules et de pigeons en quête pitance. Aucun arbre. La nudité des lieux exprimait une sorte d’insolence ou de ténébreuse emphase. Tout céans, était dur, puissant, rébarbatif ; les faces des hommes avaient la rugosité des pierres. Aucune qui respirât autre chose que la malignité, la bassesse surtout, une moquerie abrupte et niaise envers ce nouveau venu qu’on humilierait si possible, assuré de l’indulgence et même de l’approbation tacite de la baronne. Leurs vêtements attestaient une saleté corporelle qui ne les incommodait pas : un mâle, selon eux, devait « revêtir » cet aspect. Henri de Montaigny a il imprégné cette demeure d’une mauvaiseté si véhé mente qu’il en subsistait des traces ? Mais alors, pourquoi sa veuve cultivait-elle avec tant de sérieux son arrogante beauté ? Celle-ci ne rendait que plus fla grante une malpropreté dont la puanteur outrageait les exhalaisons de ses élixirs. Pourquoi son goût n’offensait-il pas ces galfâtres ? Pensait-elle que leurs guenilles formaient à ses bagues, bracelets et pentacols le plus adéquat des écrins et que plus son château paraissait inhospitalier et lugubre, plus il exaltait les derniers flamboiements de sa vénusté ? Comment se pouvait-il que cette forteresse juchée sur un mamelon épineux abritât l’existence de cette femme hardie et voluptueuse et d’une maraudaille évidemment éhontée ?… Il n’était point ahurissant, réflexion faite, que cette sombre enceinte et la vacuité des vies qui s’y trouvaient mêlées eussent aiguisé les appétits de Mathilde. Lorsqu’elles étaient des plus obscures et des plus froides, certaines nuits ne suscitaient-elles pas, parfois, telle une sorte de jouissance, l’attente exaspérée du soleil ?
    Elle s’approchait. Tristan sentit son bras glisser sur ses épaules. «  Ce serpent veut me circonvenir devant témoins  » Bien qu’il fût en rage, il supporta sans regimbement le geste lourd de fierté possessive.
    – Mon époux, serez-vous aisé entre ces murs ? Avez-vous vu comme ils sont hauts ?
    Tandis que cette femme impossible l’entraînait loin de Panazol attentif et perplexe, Tristan céda aux éperons de la sincérité :
    – J’aime les arbres, les fleurs, les herbes et n’en voit point. J’aime le silence et la quiétude… mais nullement la paix des sépulcres.
    Des chiens aboyèrent. Une dizaine, peut-être davantage.
    – Veautres, limiers ou brachets 40  ?
    – Rien que des veautres, dit Mathilde. Noirs et de l’abbaye de Saint-Hubert, en Ardenne.

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