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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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caisses vernissés, éclairée en plein jour par deux baies étroites, longues d’une aune, la chambre avait la grâce d’une vaste enluminure sans que le présent éclat du luminaire y contribuât. Les murs, revêtus jusqu’à mi-hauteur de cuir gaufré, doré – qui sans doute provenait d’Espagne –, pétillaient de luisances fauves. Le lit, étroit et comme limité par de hautes colonnes carrées, encourtiné de velours grenat, rehaussé de ganses roses et le socle qui l’exhaussait avait été couvert du même velours somptueux. En face, deux bahuts de bois ciselé comme un porche d’église supportaient par moitié la base d’un grand miroir d’acier poli ceint d’une garniture de cuivre où de petits oiseaux picoraient des pampres. Des émaux champlevés brillaient sur une crédence toute proche d’un dressoir, parmi maints affiquets destinés à donner plus d’éclat aux atours d’une femme. Un grand if de fer à huit chandelles voisinait avec une perche à vêtements suspendue à des fils d’archal. Une petite porte dissimulait un bouge 49 et celle d’à côté, plus étroite, les commodités.
    Tristan sourcilla : il venait de heurter du pied un heaume surmonté d’une girouette représentant un tigre amputé de sa queue. Levant les yeux, il vit suspendues au mur quatre faces de femmes façonnées dans du cuir ou du parchemin bouilli : l’une noire aux sourcils d’or, l’autre bleue à la bouche épaisse, la troisième safran avec des yeux obliques et la dernière rouge vif, percée de deux orbites rondes, comme écarquillées. Il se sentit saisi doucement aux épaules et ne se tourna pas.
    – La girouette, murmura Mathilde, Jean, le fou du vaincu de Poitiers, la portait, il y a dix ans, sur sa coiffure à douille. Mon mari la reçut en présent sans que j’aie trop su pourquoi…
    Elle disait « mon mari » comme si elle n’en avait eu qu’un. Il n’allait tout de même pas lui en faire reproche !
    – Les faux-visages 50 , mon père les acquit après Courtrai… Il les trouva je ne sais où, en Artois… J’en mettrai un de temps en temps afin d’être une autre femme… Tu commettras l’adultère sans que je puisse te le reprocher.
    Se retournant un peu, il vit une bouche humide tremblante ; des paupières demi-closes. Soudain Mathilde s’appuya contre lui, le baisa sur les lèvres, si fort, si ardemment que leurs dents se heurtèrent.
    – Seras-tu heureux céans ?
    – Sans doute.
    Satisfaite, elle se recula et s’assit sur le bord du lit, les mains en arrière, mettant ainsi, peut-être involontairement, sa poitrine en valeur. Il se sentit enveloppé par un regard aussi étincelant que le miroir auquel il feignit de s’intéresser sans souci d’y entrevoir son visage flétri de lassitude. Oriabel s’y était sûrement regardée fugacement afin de ne pas mécontenter Mathilde. C’était ici que la jouvencelle avait passé la plupart de son temps. Elle ne s’était jamais livrée au moindre commentaire sur la beauté des murs, des meubles, des velours. Sa simplesse n’avait cure de toutes ces splendeurs enchâssées dans l’impureté, pire même : saleté de Montaigny.
    Comprenant qu’il ne la rejoindrait pas, Mathilde leva comme si quelque aiguille égarée l’avait piqué.
    – Tu mettras toi aussi, parfois, un faux visage … Il est préférable que je me trompe de toi (418) ainsi plutôt qu’avec un autre… Pas vrai ?… À partir de ce soir je te prends en main.
    Comme elle remuait un bras, il crut qu’elle allait joindre le geste à la parole, mais elle renonça, devinant à quel niveau son audace la ravalait. Son regard se durcit, beau de cette beauté des sardoines précieuses dont se paraient les femmes de la Cour. Leur flairément lui avait toujours paru d’une tristesse en quelque sorte éclatante.
    – Aide-moi à mettre ces pots, ces pe ignes et ces brosses sur le dessus de la crédence. La table est petite : nous n’en serons que plus près l’un de l’autre… Ydoine va nous monter peu à peu ce qu’il faut.
    Il n’y aurait donc pas d’effusions immédiates. Dehors, le vent se levait. La nuit se bourrelait de pluies et de bourrasques. Ici, il faisait bon, mais que n’eût-il donné, lui, Tristan, pour chevaucher n’importe où sous les lanières cinglantes d’une averse !
    – Tu seras heureux… Nous irons chasser deux ou trois fois par semaine. Je sais me tenir à cheval les cuisses écartées.
    « Pourquoi ne

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