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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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de la cité. Il la croyait pudique. Elle l’était, mais elle accepta et fit dire aux manants de s’enfermer chez eux… Et elle alla nue, sur une haquenée blanche menée à la longe par sa chambrière. Seuls les oiseaux, dit-on, la virent, et un gars qui fut pendu… par son époux… C’est notre chapelain qui me conta cette histoire. Il l’avait lue je ne sais plus où (428) …
    Il ajouta méchamment :
    – Toi aussi tu aurais accepté, mais tu aurais exigé que toute la ville fût aux fenêtres !
    Il ne regardait, devant lui, que les oreilles de son roncin. À quoi bon voir les ravages accomplis par cette sagette acérée. Plutôt qu’un hurlement, il entendit un rire et découvrit, proche du sien, un visage tendu, insondable.
    – Tu me connais bien, dit Mathilde.
    Ombres et lueurs ruisselaient sur ses joues tels des fards éphémères. Entrouverte sur ses dents de louve, sa bouche offrait un sourire sans joie qui s’accentua cependant quand elle admit avec une simplicité trop appuyée pour qu’elle fût sincère :
    – Je me suis emportée… Pardonne-moi… D’où sors-tu pour savoir toutes ces choses ? Il y a en toi du chevalier, du jouvenceau et du presbytérien. C’est peut-être, avec ta beauté, ce qui m’excite…
    Beau, lui ? Il faillit s’esclaffer – ce qu’il eût fait peut-être au lit avant de la besogner sans ménagement… ce qui d’ailleurs l’eût comblée d’aise. Mais décoiffée, confuse et sincèrement repentante, la bouche indécise entre un sourire et une lippe, elle semblait si peinée qu’il en eut pitié.
    – As-tu toujours, depuis ton second veuvage habité Montaigny ?
    – Le château m’appartient maintenant. J’ai vécu parfois à Lyon dans la demeure que tu connais. J’y maintiens une servante. Mais comment pourrais-je retourner à Lyon avec toi ? Je craindrais trop que l’on nous tue : toi pour les forfaits qu’on t’a attribués sans raison, et moi pour t’avoir sauvé.
    – Quel âge avais-tu à ton premier mariage ?
    – Douze ans. L’abbesse du couvent de la Trinité proche de Sainte-Suzanne, a trouvé que j’étais bien jeunette… Je n’avais pas vu le sang mais j’allais le voir autrement… Sitôt hors de la chapelle, il m’a jetée si son cheval… Nous sommes arrivés chez lui à la nuit sous un ciel d’ardoise où grondait un orage… J’aurai voulu qu’il me rassure mais il riait de ma double frayeur, me tirant par la main puis me poussant par le cul dans l’escalier menant à sa chambre… Il a déchiré ma robe et fut ravi de ne pas me voir de tétons… Je l’ai supplié de me laisser vierge encore. Il y a consenti et violée… autrement… Il faut te dire qu’il avait guerroyé avec Charles d’Espagne… Il ne prit pas même le temps d’ôter son haut-de-chausses et quand j’ai vu. C’était la première fois que j’en voyais un…
    Mathilde s’interrompit. Tristan, qui s’attendait à de pleurs éloquents, fut décontenancé : elle souria comme d’une aventure qu’elle lui eût relatée concernant une autre fillette. En commençant par vivre un mariage aussi cruel, elle eût dû abominer les hommes. Cela semblait l’inverse : les sévices premiers avaient créé ses vices. Il eut vers elle un long regard compatissant.
    – Quand je te parle de bonheur, dit-elle, je ne sais pas ce que c’est. Tu me le feras connaître.
    Il commençait enfin à comprendre à quoi tenait cette faim-valle d’amour, cette volonté de jouir, cette imagination maladive qui composaient en partie le caractère de Mathilde. Ce que le trépassé de Crécy avait accompli, il advenait qu’elle le lui demandât en affirmant que celui de Poitiers n’en était point avare. Deux morts. Un dicton affirmait : «  Jamais deux sans trois. » Le troisième, c’était lui.
    Elle arrêta Aiglentine. Autour d’eux, sereine et profonde, la forêt n’était plus qu’une masse noire et noueuse où, parmi les criblures des feuillages, le ciel faufilait ses clartés. Bien que rares, l’une d’elles révéla une lueur qui ne pouvait provenir que du picot d’un épieu ou d’une lance écourtée.
    Mathilde soupira puis revint à ses remembrances :
    – Apprenant le trépas de ce premier mari, j’ai battu des mains. Il avait empli notre château d’une compagnie de damoiseaux échevelés et de quelques filles qui ignoraient comment faire un lit mais savaient se coucher dedans. Et quand Henri est apparu, lors de mon veuvage,

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