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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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successivement en butte aux entreprises de Panazol ?
    – Ne va pas imaginer…
    Mathilde s’interrompit, la gorge apparemment nouée. Quelles pensées roulaient maintenant dans sa tête ? Tristan s’abstint d’essayer d’en percer la teneur. La vie à Montaigny ne l’intéressait que dans la mesure où certains éléments pouvaient contribuer à préparer sa fuite dans le cas fort probable où sa geôlière refuserait le divorce – même s’il avait cessé de lui plaire.
    Ils entrèrent de front dans une étroite et longue clairière. Les piécettes des boutons-d’or jonchaient les herbes et dans l’écume des haies, la neige des églantiers floconnait.
    « Enfin le printemps ! »
    La saison neuve s’affirmait, étincelante et prometteuse, «  sauf pour moi  », enragea Tristan dont le semblant d’émancipation ne rendait que plus odieux l’isolement et le servage.
    – Comme tu sembles soudain maussade ! s’étonna Mathilde alors que les chevaux échangeaient l’amble pour le pas.
    Il n’osa ni mentir ni se justifier. Il faisait doux et frais à la fois. L’odeur des feuilles ensoleillées saturait cet air chargé de toutes les espérances d’un été chaud, qui peut-être serait paisible si les routiers migraient au sud.
    – Nous reviendrons ici, mon cher époux. Ne voudrais-tu pas voir ces feuilles à l’envers ?… Nos corps nus, archonnés l’un vers l’autre dans ce lit de fougères, poils, herbes et fleurs mêlés… Qu’en dis-tu ?
    Tristan se contraignit à rire :
    – Il t’advient de crier, de gémir comme si je te tuais… Tes soudoyers accourraient et qui sait si, te voyant nue, ils ne m’occiraient pas pour te forniquer… jusqu’à ton dernier soupir.
    Une flamme noire éclaboussa les cils baissés de Mathilde.
    – Ah ! fît-elle sans dissimuler son dépit, tu les as vus ?… Alors, viens, rentrons. Nous nous occuperons aux tables 61 et aux échecs. Je ne te tiens pas rigueur de toujours m’y vaincre.
    Elle rit d’un rire pareil à une enfilade de bulles sonores – comme le cri des bécasses.
    – Si tu n’avais l’esprit ailleurs, tu finirais pas gagner.
    – Je préfère perdre et l’avoir ailleurs… Sois en flatté !
    « Où l’avais-tu quand tu jouais avec Marie ? » fut tenté de demander Tristan. Sans doute, à fréquenter assidûment cette jouvencelle, Mathilde avait-elle expié parfois la présomption et le mépris des femmes mûrissantes dont elle avait fait parade à son âge. Comment s’était-elle vengée, de loin en loin, d’humiliations d’autant plus corrosives qu’elles étaient fugaces et involontaires ? Et comment se passaient, lorsqu’elles survenaient, les réconciliations ? Il n’osa s’en informer de crainte que ses conjectures ne fussent confirmées par un second rire insincère.
    – Bécasse ! grommela-t-il entre ses dents.
    Et cette fois, plutôt que de sourire, une moue d’écœurement joignit ses lèvres.
    *
    Ils revinrent à Montaigny sans mot dire alors que le soleil de midi dardait sur eux de fragiles rayons. Il pleuvrait bientôt. Les nuages gris s’accumulaient. Il allait falloir bourrer la cheminée avec des bûches imbibées d’humidité, partant toussoter et larmoyer sous l’effet des bouffées de fumée que le vent rabattrait dans le conduit et dans la chambre.
    Mathilde se composait une sérénité qu’elle n’éprouvait pas : il suffisait de voir l’écume à la bouche d’Aiglentine pour comprendre que la jument souffrait d’être titillée au mors. Apparemment indifférent à ces tourments inadmissibles, Tristan se sentait gagné, conjointement à sa colère, par la morosité d’un jour aussi difficile à vivre que les précédents, quelque répit qu’il en pût augurer. Tristesse aussi inguérissable, semblait-il, que sa navrure à l’épaule. Elle suppurait moins, certes, mais toujours. Le pas pourtant égal de Malaquin en éveillait parfois la douleur endormie. En dépit de ce mal singulièrement tenace, et par contraste avec la lenteur de la chevauchée, il sentait sourdre en lui une solidité neuve – ou raffermie – et qui exigeait de l’espace. Or, c’était au moment même où il goûtait mélancoliquement et imparfaitement aux charmes de la liberté qu’il en éprouvait tout à la fois les limites et les périls.
    – Trois soudoyers d’un côté, dit-il. Trois de l’autre et quatre à l’arrière, dont Panazol toujours aussi falourdeur 62 .
    Lointains, certes,

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