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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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desseller avant de le monter : il y avait un clou entre les deux quartiers. C’est pourquoi j’ai voulu le chevaucher à poil.
    Mathilde pouffa dans sa main gantée de chevrotin rouge.
    – Je sais que tu montes bien ! Elle rit. Il tenait Malaquin aux genoux et au mors sans que ce grand noiraud fût tenté de l’envoyer à terre.
    – Tu ne pourrais ainsi chevaucher des lieues. Qu’en savait-elle ? L’absence des harnois ne l’eût point empêché de fournir une longue course. Seule la sagesse l’en dissuadait. Si la cour, lorsqu’ils y étaient apparus, était vide, c’était que les hommes chargés de les épier les observaient, dissimulés – ou presque – en des lieux convenus à l’avance. Sa bonne vue ne cessait de le renseigner sur les luisances de leurs armes, derrière et loin sur les côtés. Et si Mathilde portait un petit olifant de cuivre en sautoir, c’était bien pour souffler dedans s’il tentait de s’enfuir.
    Ils entendirent des coups de cognée et dépassèrent un groupe de bûcherons occupés à abattre un chêne. Le fer mordait le bois, le vieil arbre tremblait. Les deux hurons qui maniaient la hache tapaient avec des grognements sauvages, sous les regards mornes de trois compagnons immobiles. Leurs pourpoints écorcés par l’âge, gorgés de sueur, passaient en partie sur leur ceinture ; ils avaient tous des hauts-de-chausses déchirés. Au-delà de leurs sabots boueux, la glu des sentiers leur montait aux jarrets.
    – Ils sont miens, dit Mathilde. Vois comme ils se courbent.
    – Je n’aime pas voir maltraiter un arbre. Même s’il est vieux. Même s’il est mort. Un arbre, c’est la seule créature au monde qui, morte, est encore belle.
    – Celui-ci était vieux… Vois, il n’avait plus de feuilles ou si peu. Il faisait tout de même de l’ombre aux jeunes. Voilà pourquoi j’ai commandé qu’on le coupe.
    « S’il fallait, chez les humains, exécuter ta sentence, ne craindrais-tu pas d’être choisie pour un prochain abattage ? »
    Mathilde se renfrogna, soupçonnant peut-être ce que son compagnon pensait.
    – Es-tu heureux, Tristan ? dit-elle, penaude, en dominant malaisément sa confusion.
    – Je respire.
    – Nous reviendrons, je t’en fais serment. Cet été, nous irons nous tremper en rivière. On l’appelle le Serein. Ne le vois-tu pas luire, là-bas ?
    Non, il ne voyait rien. Déçue, elle ajouta :
    – Je connais un endroit… Nous nous mettrons nus par ici et nous galoperons jusqu’à l’eau… On se mignotera dedans !
    C’était bien d’elle aussi cette anticipation. D’avance, elle en digérait les plaisirs. Il n’allait tout de même pas passer sa vie auprès d’elle ! Il voyait ses doigts étincelants de joyaux, tout vibrants eux aussi de sensualité, serrer et desserrer les rênes de cuir noir aux entrelacs d’argent.
    – Nue comme dame Godiva, dit-il.
    Il entendit un cri rauque à semblance de juron :
    – Qui est cette femme ?… Une de tes amantes ?
    Mathilde le regardait, sourcils froncés, tandis que le soleil leur décochait un trait en plein visage. Une jalousie terrible aggravait le rose-mauve de ses pommettes et lui tirait la bouche de biais, tandis que les imprécations retenues dans son arrière-gorge devenaient une espèce de grondement :
    – N’as-tu pas vergogne de me faire souffrir ainsi ! Pourquoi me parles-tu de cette femme ? Elle ne pouvait être qu’une pute comme l’autre – la jeune – et tu me dis son nom le plus aisément du monde !
    Comme elle tirait sèchement sur le mors, Aiglentin fit un écart qui faillit désarçonner sa cavalière. Prompt efficace, Tristan saisit la haquenée au frein. Elle s’apaisa aussitôt. Et comme il était excédé :
    – Dame Godiva est moult plus âgée que toi.
    Il n’avait commis, envers Mathilde, aucun acte d’irrévérence, aucun sacrilège dont il dût se repentir. Il la soupçonna d’être jalouse, au-delà d’Oriabel, de toutes les jouvencelles et dames imaginaires qui avaient tr aversé sa vie de damoiseau, d’écuyer et enfin de chevalier antérieurement à sa rencontre avec celle qu’elle considérait comme son ennemie permanente. Il rit, mésusant d’une insolence qu’il n’éprouvait même pas :
    – Elle était la femme d’un comte anglais. Il paraît qu’elle avait supplié son époux de réduire les impôts des gens de Coventry. Il y consentirait, lui dit-il, si elle acceptait de chevaucher toute nue dans les rues

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