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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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moins en apparence –, Salbris ne montre aucun étonnement. Et encore moins ses hommes issus de quelque route. »
    –  Ensuite, messire, c’est tout simple. À cinquante, vous vous tournez. Les armes ayant été bandées, chacun devient le bersail 75 de l’autre : vous lâchez votre trait, Dieu fait le reste.
    – Et si nos viretons passent à côté ?
    Salbris, maintenant, couvait Panazol d’un regard tendre, admiratif, dont le malandrin, offensé, se détourna pour prendre Tristan à témoin :
    – Oyez, messire, ce qu’il paraît craindre !… À cette distance, le plus prompt et plus habile de vous deux percera son homme !
    « Peut-être pense-t-il que je serai incommodé par ma blessure… Eh bien, je vais le décevoir ! »
    Mathilde se permit une remarque outragée :
    – Es-tu fou, Panazol ?… Guillonnet de Salbris est couvert d’une armure de fer. Ton dessein serait-il de voir mon époux traversé de part en part ?
    D’un geste de la main, d’un mouvement de tête, le sénéchal réfuta l’objection et la supposition, toute deux désagréables :
    – Noble dame, à cinquante pas, un vireton tel que ceux que je vois troue une pansière de fer aussi aisément qu’un matelas de plume ou un coffret de sciure. Je doute que messire Salbris veuille se dépouiller de son harnois, et plus encore que votre époux accepte d’endosser l’armure de messire Henri, le haubert de messire Thierry ou celui de votre père !
    – Par ma foi, dit Tristan, tu parles bien. Je demeure tel que je suis.
    – C’est folie !
    La frayeur de Mathilde, plutôt que d’émouvoir Salbris, l’ébaudit sans qu’il cherchât le moins du monde à s’en cacher. Tristan refréna son courroux tandis qu’elle tendait vers lui un visage exsangue où deux gouttes roulaient, glauques et lentes, sur ses peintures. Rien d’attrayant n’apparaissait plus sur cette face tirée, souffreteuse, que l’hébétude de ceux qui, sans voir la mort en flairent la pestilence. Comme elle le saisissait bras-le-corps, il se dégagea et la rassura d’un murmure :
    – Je serai libre de mes mouvements, lui pas… Quant à ton Panazol, dont je loue l’opportunité, il voudrait me voir occis… En vérité, c’est un présent de fort grand prix qu’il m’offre… en l’ignorant.
    – Es-tu aussi habile que tu me le donnes à penser ?
    Plus que ses larmes, la pâleur de Mathilde, discernable sous ses fards, témoignait d’une angoisse imprévue et sincère. Au moment d’une mort incertaine, d’aucuns eussent senti fondre leur cœur et se froidir leur sang à la révélation de cet attachement nettoyé, pour ainsi dire, des palpitations chamelles.
    « Pas moi… Elle ne s’est amourée que de ma tête et mon corps. Tous les sentiments que je peux éprouver lui répugnent sauf, évidemment, la bonne volonté que j’apporte à la satisfaire… Elle s’amuse de moi, à dire vrai. Ce qui l’effraye maintenant, ce n’est pas tant de me voir occire que de perdre son jouet. »
    Point d’amour dans cette détresse ? Comment l’affirmer ? L’infirmer ? Ne se pouvait-il pas qu’en cette occurrence dangereuse, Mathilde éprouvât tout à coup la révélation de quelque chose de semblable ? N’était-ce pas pour dissimuler sur ses traits les symptômes d’une passion véritable, au plus fort de ses émois, qu’elle usait parfois de ses faux-visages ? L’avait-il bien vue ? Souvent, plutôt que de l’observer « en chair et en os », il l’examinait de préférence dans le miroir devant lequel elle s’immobilisait nue ou vêtue. Parce que cette surface claire la lui révélait autrement. Parce qu’elle ne lui fournissait ni la consistance ni le frémissement intérieur ni la saveur, la fraîcheur ou la tiédeur chamelle : la décevante vérité de Mathilde. Elle devenait une autre, une sœur dont les qualités imaginaires ruinaient les défauts de sa pareille. Voilà où sa réclusion le menait !
    – Ne vous inquiétez point, dit-il à voix basse en reprenant le voussoiement. Je le vaincrai.
    Tout au fond des ténèbres de sa mémoire, quelque chose brillait : un visage livide et tourmenté sous la frange d’une chevelure blonde. Bien qu’il l’imaginât très lointaine, muette, immobile et désespérée, Oriabel insufflait dans son esprit et son cœur quelque chose de meilleur que le courage : la confiance en lui, en elle, en leur destinée.
    – Mathilde, dit-il en adoucissant sa voix, je suis

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