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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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préjugés ni hypocrisie, mais il était gêné d’être dépendant d’elle… Dépendant ? Une proie ! Quarante. « Ne pense plus, Tristan, qu’à ce que tu dois faire ! » Quarante-deux. « Je le sais ! » Nulle autre solution pour préserver sa vie que celle qui venait d’illuminer son esprit.
    Un vol de pigeons brassa vigoureusement l’air, comme s’ils craignaient d’être abattus. Quarante-cinq. Que faisait Salbris ? À quoi pensait-il ? À ses amours infâmes ? Quarante-huit. Deux pas…
    –  Cinquante ! cria Mathilde.
    Tristan tourna si brusquement sur lui-même que la douleur de son épaule lui arracha un cri. Il chut sciemment en avant sur le sol tout en manœuvrant la détente de son arme.
    En ronronnant, le carreau adverse passa au-dessus de lui, sans doute à l’endroit où, s’il n’était tombé, se serait trouvée sa tête.
    « Si je n’avais pas employé cette astuce, je prenais le fer entre les yeux ! »
    Salbris sursauta comme s’il avait posé son pied sur un nid de vipères.
    – Au cœur ! hurla Mathilde tandis que l’outrage basculait à la renverse.
    Tristan courut jusqu’à sa victime.
    Salbris vivait petitement encore. Une fleur de sang s’épanouissait sur son jaque de soie. « Un con », dans l’acception du terme. Ses yeux vitreux déjà lui sortaient des orbites ; sa bouche béante semblait vouloir crier une imprécation que la mort broyait dans gorge. Les ailes de son nez se pinçaient.
    Il s’enfonça dans un abîme glacé dont il essaya s’extraire en levant les mains ; elles tombèrent à plat sur son plastron de fer.
    – Il est mat, dit Panazol. Une bien belle astuce… Je me demandais, messire, comment vous pourriez transpercer ce falourdeur… Car vous l’avez bel et bien embroché !
    Comme le sénéchal retournait avec un plaisir sans doute exagéré le vaincu, Tristan vit que la tête de son vireton pointait hors de la dossière qui, un moment avait fraîchi ses épaules.
    Jean, l’arbalétrier, s’approcha. Le coup qui avait tué Salbris le merveillait autant que ses compagnons et gens de Montaigny. Ydoine battit des mains :
    – Quelle sûreté, messire !… Notre dame est contente.
    « Voilà cette grosse maraude égayée ! Elle m’admire, dirait-on ! »
    Le picquenaire barbu qui, sans doute, secondait Salbris au commandement toucha le mort par l’arestuel (434) de son arme :
    – Nous cinq attesterons que le combat fut loyal. Pas vrai, vous autres ?
    Les soudoyers approuvèrent.
    – Compères, intervint Panazol, si vous le rameniez à Lyon, les manants, nobles et bourgeois vous demanderaient où, quand, pourquoi et comment il a trépassé. Apprenant qu’il doit sa mort à messire de Castelreng, le courroux des capitaines et des évêques, qui sans doute est inapaisé, deviendrait tel, je le crains, que Montaigny serait vélocement assiégé…
    – Qu’ils viennent, dit Tristan, aboyer sous nos murs ; ils sont bien trop couards pour nous assaillir. De plus, vous avez tous été témoins que je n’ai pas cherché la note. C’est Salbris qui m’a provoqué.
    Mathilde s’approcha de Panazol. Elle se frotta les lèvres comme lors d’un repas et murmura, le front plissé par une décision irrévocable :
    – Comme pour l’autre.
    – Quel autre ? interrogea Tristan.
    Elle eut un geste étrange : celui d’éparpiller au vent des cendres ou des pétales.
    – Rien de ce qui s’est passé à Montaigny avant ta venue ne saurait t’intéresser. (Et désignant Salbris aux soudoyers muets :) Étiez-vous avec lui depuis longtemps ?
    – Depuis hier, dit un des arbalétriers, un gros joufflu, rougeaud, moustachu comme un Celte. Nous servions messire Jacques de Bourbon. Il est mort et son fils aussi.
    – Déviés 79 tous les deux ?… J’en ai bien de la peine.
    Tristan trouva l’émoi de Mathilde tellement faux qu’il insultait la mémoire des deux trépassés. « Morts », songea-t-il, consterné. Certes, Bourbon n’avait rien entrepris pour obtenir la victoire, et le maréchal d’Audrehem, plutôt que d’accourir à marche forcée avec ses compagnies, s’était gardé de venir à Brignais. Il méritait la hache ou la pendaison, mais ce gros homme retors saurait bien mettre en évidence l’impéritie de son défunt rival pour dissimuler ses carences, et pis encore, sa trahison. À ses risques et périls, Arnaud de Cervole était venu à Brignais ; Audrehem n’avait pas eu son courage. Et

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