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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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saison et le moment de sa tentative fussent propices à sa réussite…
    « Pas avant l’automne », songea-t-il. « Les forêts cependant, seront défeuillées… On m’y verra de loin même si je robe un cheval… Oui, il me faut un cheval… Je doit obtenir l’amitié de Malaquin… L’hiver ? Ce serait dur. On suivrait dans la neige les empreintes des sabots… Mais qu’ai-je à me soucier de cette aventure… Je saisirai l’occasion, la bonne chance m’aidera. C’est tout ce que je dois me dire. »
    Panazol s’étrangla avec un petit os. Il margouillait une cuisse de poulet et la sauce glissait de part et d’autre de son menton, se réunissait dessous et gouttait sur son surcot de drap gris orné, au col, de quelques fils d’organsin tressés. Une maussaderie rude, vicieuse, se dégageait de ce visage pointu et de ces épaules de portefaix. Sans doute regrettait-il d’avoir suggéré un assaut à l’arbalète dont la victime n’était pas celle qu’il espérait.
    – Quelles autres nouvelles avez -vous ? demanda Tristan qui s’adressait en particulier au picquenaire barbu, du nom de Morsang, lequel ne paraissait guère enclin aux discours.
    Flatté, l’homme se pencha par-dessus son écuelle :
    – La Grande Compagnie s’était établie, comme vous le savez, à Brignais, mais d’autres, plus petites, entre la Saône et la Loire. Il est aisé de comprendre, messire, que la défaite des Justes dont nous étions, ne peut à bref délai que grossir ce fléau. Et c’est pourquoi messire Henri de Bar, craignant qu’ils n’assaillent la Bourgogne, a prescrit des mesures en vue d’en assurer la défense. Hier, messire Salbris aurait dû le rejoindre à Chalon et porter lui-même – il en était prévenu – des lettres dans trois ou quatre bailliages, informant les baillis d’une attaque imminente, et leur enjoignant de mettre le plat pays en tel état que ces démons n’y pourraient trouver à manger. Il commandait également la destruction des moulins et châtelets qui ne pouvaient être gardés 84 … Messire Salbris a désobéi pour vous occire…
    – Aussi vrai que je m’appelle Beltrame, dit l’arbalétrier moustachu en bâillant fort, cette guerre ne fait que commencer !
    C’était le mot de la fin. L’un suivant l’autre, les hommes s’en allèrent après un « bonne nuit » exprimé sur tous les tons : de l’indifférence à la gaieté la plus allusive, de la part des anciens. Seul Panazol partit sans proférer un mot.
    – C’est vrai, dit Mathilde approuvée par Ydoine qu’il t’a en détestation.
    – Renvoie-le au fumier d’où tu l’as tiré.
    – Il te fait peur ?
    C’était un moyen d’éluder une suggestion qu’elle réprouvait et qui jamais n’obtiendrait son agrément.
    – Peur ?… Pas plus qu’un de tes chiens que je n’ai jamais vus.
    – Veux-tu que nous allions au chenil ?
    Elle lui souriait avec cette expression de complicité forcée qu’elle avait parfois après une étreinte vaine. Quand donc cesserait-il de s’éreinter à lui arracher ce râle qui était le bonheur accompli d’une femme et qu’exhalaient les lèvres d’Oriabel ? Mais fallait-il qu’il y parvînt ?
    – Inutile de nous rendre au chenil, Mathilde. Les bêtes sont repues : oyez, Ydoine, comme elles sont quiètes… Il n’y a autour de nous qu’un peu de vent. Et puis, si je voyais les veautres maintenant, je reconnaitrais les os qu’ils rongent avec délices.
    – C’était le seul moyen pour que disparaisse à jamais ce hutin qui te voulait du mal.
    Tristan était debout, il se rassit sur son banc, non que cet argument l’eût abasourdi, mais parce qu’à nouveau ses malaventures ne lui offraient, présentement, aucune issue, et que le tinel de Montaigny lui faisait l’effet d’un vaste tombeau. Si, par quelque malignité du sort, les événements avaient été différents et les rôles inversés – autrement dit, si Mathilde avait été conduite au bûcher et qu’il l’eût sauvée par un mariage, il eût exulté, sans doute, d’avoir une épouse infatigablement aimante, soit par inclination, soit simplement par reconnaissance. Mais qu’allait-il chercher des similitudes insensées dans leur comportement et leur façon d’envisager la vie commune ! Tout les opposait. Il y avait aussi cette dissemblance importante : Mathilde avait été, outre ses deux époux, la ribaude de tout un chacun ; il était, lui, l’homme d’un seul

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