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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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de peu d’intérêt. Le bonheur ne saurait en dépendre.
    Elle rit puis avala lentement une cuillerée de brouet, et la voyant avancer sa bouche gonflée vers la cuiller, Tristan songea aux baisers dont elle était prodigue. La façon dont il avait occis Salbris l’avait subjuguée. Lorsqu’ils étaient revenus dans leur chambre, lui pour se changer – il était en sueur tant cet affrontement l’avait effrayé –, elle pour laver ses fards et les recompo ser, il avait dû lutter pour s’épargner une déplaisante étreinte. L’angoisse, le sang, la mort l’avaient excitée. « Tu es vivant ! Vivant ! Aime-moi, force-moi, là, sur le pavement… comme tu voudras. » S’il conservait en sa mémoire ses soupirs et ses menaces grondantes, elle semblait les avoir oubliés. Panazol, qui maintenant les observait, avait-il accepté de pareils accolements avec elle ? Pour la première fois, tandis qu’elle se recoiffait, elle avait demandé d’une voix innocente : «  Oriabel était-elle aussi énamourée que moi  ? » Il avait craint de lui répondre affirmativement. «  Faisais-tu avec elle tout ce que tu fais avec moi ? » Plus que la jalousie et l’exécration, une curiosité folle imprégnait ces paroles. On eût dit qu’elle seule, Mathilde de Montaigny, excellait aux jeux de l’amour.
    – Il est grand dommage pour moi, dit-elle, que je ne puisse lire tout ce qui, présentement, fermente dans ta tête. Voir ton esprit aussi nu que je vois ton corps m’aiderait à vivre béatement… C’est un privilège que je n’ai jamais eu… N’est-ce pas, mon Tristan ?
    Il vida son hanap, ce qui lui évitait de répondre. Le silence devenait d’ailleurs, pour lui, un raffinement supplémentaire à cette liturgie de l’indifférence qui succédait, soit à celle de leurs étreintes, soit à des harcèlements de cette espèce qu’il nommait désormais sa « sainte Inquisition », sans qu’elle en parût affectée Jamais il n’obtiendrait ses aises à Montaigny. Jamais il ne parviendrait à faire accroire à Mathilde que s’il ne lui déplaisait pas, parfois, de jouer des reins avec elle, il y avait aussi peu d’amour dans ces pratiques effrénées que d’or dans les bahuts du souverain de France.
    – À quoi pensais-je ? À Marie, dit-il malicieusement.
    – Tiens ! fit-elle en minimisant l’ampleur de son étonnement. Je l’aimais bien, sais-tu ? Nous allions chevaucher toutes deux en forêt… celle où je t’a emmené…
    – Sans personne pour vous suivre ?
    – Non… Parfois, nous y allions à pied, nous donnant la main, le bras…
    – Et vous prenant par la taille ?
    – À quoi penses-tu ? s’inquiéta-t-elle.
    – Bah ! fit-il, éludant cette question d’un geste.
    Pour une fois, ses méditations, plutôt que de se cantonner à son sort, s’élargissaient comme ces ondes argentées qui éclairent le fond d’un puits après qu’on y a fait tomber un seau ou une pierre. Marie, Mathilde… et l’oisiveté, mère de tous les vices. Toutes les comparaisons auxquelles il pouvait se livrer, ce soir encore, dans les brumes des victuailles tirées de l’âtre et la rumeur des propos et des rires, l’amenaient invinciblement à magnifier Oriabel – qui peut-être avait épié les deux femmes.
    « Il se peut qu’elle ait fui par crainte d’être conviée à ces jeux. »
    –  Cesse donc de penser, dit Mathilde à mi-voix. Sais-tu que le soir où, à Brignais, tu t’es querellé avec Héliot avant que de l’occire, j’aurais aimé que tu me prennes comme ils prenaient leurs prisonnières : avec violence et mépris… C’est un émouvement que je ne connais pas.
    Voilà qui révélait toute la lie de son caractère. En fait, elle n’avait pas plus de respect pour sa personne qu’une ribaude. Chaque fois qu’il s’apprêtait à la plaindre, bien qu’il fût envers elle avare de compassion, elle s’arrangeait pour qu’il la détestât.
    – Je connais le sort qu’ils réservent aux femmes et tout ce qu’ils leur font lorsqu’ils en sont repus. Même si je te haïssais, Mathilde, je ne te souhaiterais point de subir les tourments de ces condamnées.
    Il eût aimé lui présenter un visage froid, dédaigneux ; ce lui fut impossible. S’il avait eu de la pitié pour les martyres qu’il avait entrevues, il éprouvait une espèce de dédain pour cette frénétique qui jamais ne lui fournissait, envers elle, l’occasion d’une commisération

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