Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
d’elle par un meurtre, bien qu’il imaginât chaque jour davantage combien cette disparition l’eût soulagé.
    – Tu me fournis enfin, ô ma sauveuse, dit-il en s’inclinant, une belle occasion de louer ta droiture. Tes propos sont pareils à des coups de couteau : ils me vont droit au cœur… mais je ne saigne pas !
    Comme son ironie demeurait apparemment sans effet sur sa geôlière, il opta sans transition pour le mépris – et sa hargne était d’autant plus forte qu’il s’exprimait à voix basse :
    – Me tuer ? Tu devrais dire : « te faire occire et déchiqueter ». Panazol, j’en suis sûr, t’aiderait avec joie et ta meute serait à la fête !
    – Cesse donc ! gronda Mathilde. Partons chevaucher… Tu vois que je me tiens sous ton obédience !
    Elle rit. L’orage passé, elle recouvrait une sorte de gaieté teintée d’innocence. Cette joyeuseté soudaine n’atténua en rien – au contraire – l’anxiété d’un époux qu’elle désobligeait avec un plaisir ostensible en demandant à Panazol de la jucher, à pleines mains, sur Aiglentine.
    *
    Tristan ouvrit les yeux peu avant l’aube. Les mains jointes sur le drap, la tête immobile et moite enfoncée dans l’oreiller mouillé de sa sueur, il chercha vainement à lier entre elles, sans parvenir à en trouver le sens caché, toutes les scènes que son réveil avait interrompues. Certaines visions avaient conservé tant de force et de relief qu’elles cuisaient encore ses prunelles ; d’autres s’enfonçaient dans des brumes soufrées où ses gestes s’alentissaient comme les mouvements des plantes aquatiques sous l’influence du courant.
    « Oriabel », songea-t-il, inerte et lucide – désespéré.
    Reconnaissable, insaisissable, elle l’avait appelé à l’aide. Un château monstrueux s’élevait derrière elle. Il en voyait encore les murs obliques, les créneaux gigantesques, et la voie d’accès faite de petits galets, posés de chant et jointoyés à la chaux. Il lui criait son amour, sa confiance, torturé de détresse et de malerage puisqu’enchaîné à la paroi d’une caverne, il ne pouvait la secourir. La mer, – mais quelle mer ? – sinuait à ses pieds en longs serpents d’argent grésillants et mousseux, puis les enve loppait, froidissait ses chevilles, atteignait ses genoux, ses cuisses ; et des poissons glissaient tout autour de ses jambes, de plus en plus gros et redoutables à mesure que le flot montait.
    Une ombre apparaissait, l’arrachait à ses fers. Femme ou fantôme, cette délivrance, plutôt que de le réjouir, l’incitait à s’apitoyer sur lui-même et à maudire sa malechance. Comme il était faible et docile ! Alors qu’Oriabel hurlait de peur et de détresse, il suivait l’inconnue dans un pays de terres et de rocailles rouges. Le soleil fustigeait leurs deux corps, et comme il s’arrêtait pour reprendre son souffle, sa bienfaitrice s’impatientait : «  Faut-il te tirer par la queue pour te faire avancer plus vélocement. » C’était Mathilde. Oriabel hurlait encore, et Mathilde riait. Il voulait se détourner, se libérer pour aller la rejoindre, mais la diablesse le tenait fermement. Ils marchaient dans des herbes blondes, sèches, parmi des chardons aux têtes aussi grosses que des porcs-épics. Une bastille, au loin, élevait ses tours noires au-dessus d’une forêt si épaisse qu’on eût dit une longue muraille constituée d’arbres et d’épiniers ; et à mesure qu’ils avançaient, il entendait, de plus en plus précise, une musique de violes et de tambourins. Les arbres s’écartaient pour leur livrer passage et se renchevêtraient derrière eux. Il avait peur. La nuit venait. Il se dégageait de la poigne infamante et courait, courait toujours, dilacérant ses chairs aux griffes des roncières pour tomber, épuisé, dans un fossé fangeux. Là, penché sur le bord, miroitant comme un astre, un guerrier lui tendait la main et l’aidait à remonter la pente. Sous la ventaille de son bassinet grand ouvert, il avait la face et le regard d’un dogue. «  Suis-moi… Tu la retrouveras ! » Ses dents étincelaient. Visage affreux, visage de fauve ; visage de malandrin doublé d’un jouisseur. Deux chevaux les attendaient sur lesquels ils galopaient heuse à heuse, muets, et sans doute, déjà, se haïssant l’un l’autre. Au plus profond d’un hallier. Tiercelet surgissait : «  Viens ! Viens, Tristan ! Elle est devenue ma

Weitere Kostenlose Bücher