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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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e nez de Panazol s’allongea quand il le vit passer ; toutefois, ignorant la raison d’une apparition inattendue , le mauvais drôle se garda de le questionner.
    Tristan s’assit sur le montoir. Comme toujours, la cour lui parut funèbre, du pavement disjoint et boueux au faîte des bâtiments.
    « Fuir ! » enragea-t-il, la gorge sèche.
    « Fuir », se répéta-t-il sans, cette fois, se poser en victime mais en bourreau de lui-même tant ses per plexités l’exaspéraient.
    La volupté telle que la concevait Mathilde, n ’était rien d’autre qu’une sorte d’abîme où il s’enfonçait à sa suite , et d’où, bientôt, il n’émergerait plus. Il voulait respirer à grands traits, de la façon dont il était sorti parfois, l’été, de longues et étouffantes plongées dans l’eau fraiche – tenacement fraiche-de l’Aude. Il voulait se mouvoir lentement ou violemment de son plain gré, autrement qu’entre les courtines d’un lit. Sa geôlière savait que sa résignation était trop apparente, trop absolue pour être vraie, cependant, au-delà de cette apathie, elle ne discernait ni les fureurs qui s’aggloméraient, ni les moiteurs de rage qui succédaient à celles des soulagements répulsifs. Elle ne pouvait ouïr toutes les voix qui, au-dehors de l’enceinte de Montaigny, appelaient son époux avec une insistance accrue, presque aussi désespérée que s’il se putréfiait dans un cercueil de pierre.
    Fuir !… Comment s’y prendre et que craindre de cette entreprise ? S’il ne pouvait répondre au premier terme de cette ques tion, il savait ce qu’il pouvait redouter du second : la mort, et une mort humiliante. Sa bonne épouse était trop attirée par une seule partie de son corps pour ne pas se venger sur elle par quelque ablation lente, abominable. Celle de Mortimer en Angleterre, avant qu’Édouard III ne devînt roi ; celle des frères d’Aunay en France, lorsque Philippe le Beau avait appris qu’ils forniquaient avec ses brus au faîte de la tour de Nesle ; celles de Brignais, surtout, dont elle avait été un témoin d’une sérénité si parfaite que les routiers eux-mêmes s’en étaient merveillés.
    « Et moi, Castelreng, qui m’étais pris de compassion pour elle ! »
    Pour le moment, son esprit assoiffé d’espace, errait parmi des idées désespérément sèches : pousser son cheval lors d’une chasse ; maîtriser Mathilde une nuit, l’assommer, lui mettre en bouche une mordache afin qu’elle ne pût crier, tresser des draps et descendre par la fenêtre.
    « Certes… Mais une fois dans la cour ? »
    Ses aguets dans la journée, la surveillance oblique qu’il exerçait sur les hommes, leurs mouvements, leurs habitudes, leur adresse à l’arc et à l’arbalète, ne lui apprenaient rien de réconfortant. Aucune coutume ne subissait la moindre variante. Son parti consisterait donc à se fier au hasard plutôt qu’à Dieu, à son impulsion et à son flair de préférence à sa raison.
    « Je ne compte céans que des ennemis. »
    L’observation la plus discrète mais la plus constante voire la plus acharnée des soudoyers, lui révélait une garnison composée d’hommes très dissemblables d’esprit, entièrement différents les uns des autres, même opposés par quelque détestation, mais tous assujettis à Panazol et lui obéissant toujours sans rechigner. Cette variété de corps, de faces, d’armes dont Mathilde s’accommodait finissait par fournir, à force d’examens ; une impression d’ensemble cohérent. «  Ils veillent sur moi et sur toi  », disait-elle avec un sourire de biais comme si elle venait de mordre par inattention dans un grain de raisin vert. Ah ! Certes, elle en était fière et se réjouissait qu’ils fussent, par le truche ment du sénéchal, une cohorte prétorienne et une meute, l’une lui rendant sans trêve les honneurs les plus rudes qui fussent, l’autre prête à assaillir et dépecer les proies qu’elle lui désignerait.
    Cependant, les cinq hommes amenés par Salbris s’intégraient mal dans cette horde : Paindorge, Callœt, Jean, Morsang et Beltrame, tout en accomplissant les tâches qui leur étaient assignées, évitaient de se mêler aux anciens. Soudoyers, eux aussi, et bien qu’ils apparussent comme des guerriers sans principes sans scrupules, ils ne cousinaient point avec les autres. On devinait – du moins lui, Tristan – qu’ils se sentaient de passage et dans un état instable

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