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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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j’ai pu lui échapper.
    – Ce n’est pas lui. Cet homme n’est pas un routier.
    Mathilde s’exprimait avec tant d’insistance que Tristan s’en trouva confondu. Elle regarda, au sol, leurs ombres allongées, jointes par les ventres, tandis qu’un sourire imperceptible relevait ses lèvres. Il se détourna vers Aiglentine. La jument se demandait sans doute si elle allait devoir trotter, galoper ou revenir dans sa parclose. De l’autre côté du portail, Malaquin, sellé, s’interrogeait de même.
    – C’est un ancien compagnon de mon second époux.
    En demandant avec une suavité feinte : « Est-ce Arnaud de Cervole ? » Tristan eut le sentiment de frapper au but. À tel point qu’il dut répéter sa question.
    Cette fois, Mathilde fit front, les prunelles brûlantes, les lèvres étrangement décloses sur ses dents canines comme une belette en fureur – dont elle eut presque le crachement :
    – C’est lui… Oui, c’est lui ! Et je le recevrai même si cela t’engrigne !
    Le courroux lui donnait une mauvaise haleine. Il la regarda de près, en face.
    – Tu es bien au-dessous du mépris qu’il m’inspire !… Je l’ai en aversion, en détestation… Je le hais tout autant que je hais Belzébuth !
    Il s’était appliqué à contraindre sa rage. Il constata l’inanité de cet effort en n’obtenant qu’un rire après cette révélation. Le dépit et la compassion s’y mêlaient. Se penchant soudain vers Mathilde, il parut vouloir compter ses rides de sorte qu’elle s’éloigna d’un pas.
    – Soit, dit-elle d’une voix qui dénonçait un singulier reflux de la colère, puisque c’est ainsi, tu n’auras qu’à demeurer dans la chambre. Je t’y ferai porter tes repas si Arnaud consent à demeurer plusieurs jours en ces murs.
    – Non, je l’affronterai. S’il me sait à Montaigny, je ne tiens pas à ce qu’il me prenne pour un couard !
    Il avait crié, tout en reculant vers Malaquin. Il avait une folle envie de sauter sur le cheval, de franchir le pont-levis et de se fondre dans la forêt voisine. Mais il ne possédait ni arme ni viatique et savait, anticipant cette poursuite, qu’il serait tôt rejoint par Panazol, Jabeuf et Herbulot.
    – Ce malandrin, Mathilde, peut souiller quelques jours ma vie de sa présence… Après tout, lorsqu’on a survécu à la peste noire, on ne saurait craindre la contagion d’un tel homme !
    Tristan sentit un regard de ténèbres envahir irrésistiblement le sien.
    – Arnaud sera notre hôte. Je serais marrie que tu lui cherches querelle.
    – Car tu l’appelles Arnaud !… Je serais marri, moi, qu’il me juge de haut comme il le fit avant les commençailles de Poitiers où il disparut de la mêlée dès qu’elle devint perdue par les Lis de France !… Tes hommes seront-ils présents autour de lui ?
    – Nous serons quatre : lui, toi, moi…
    – Et Panazol, ce trigaud 88  !
    Sans que son visage ne trahît une gêne, Mathilde confirma :
    – Il y aura Panazol… Naguère, il a servi Arnaud et ses deux frères 89 . Il est de ces hommes qu’il vaut mieux avoir pour amis.
    – Que je sois pendu, maintenant, si ce larron qui n’est que matoiserie, félonie et cruauté, comprend quelque chose à l’amitié ! Quant à Cervole…
    – Il va se marier.
    – Cela ne signifie pas qu’il soit épris ! S’il existe des mariages d’amour, il y a ceux qui se font par convenance, intérêt, absurdité…
    – Tu parles pour toi, n’est-ce pas ?
    Tout à coup dégrisé, Tristan considéra cette femme dont les prunelles n’étincelaient que sous l’effet du plaisir et de la colère entre la gousse épaisse des paupières. C’était elle qui le forçait à mesurer l’abîme que pouvaient représenter vingt ans d’âge. Il se regimba :
    – Je crois que je comble tous tes désirs. Que voudrais-tu encore ?
    – Ton amour seul, tout seul, et non ta bienveillance.
    Lui tournant le dos, il courut presque jusqu’à Malaquin et sauta en selle.
    – Viens-tu ?
    Il suffisait qu’elle refusât pour qu’il dût renoncer. Jamais elle ne le laisserait sortir sans elle, fut-il accompagné par Panazol et quelques archers. Lequel de lui ou d’elle était l’ombre de l’autre ?
    – Parfois, dit-elle en le rejoignant, j’ai envie de t’occire !
    Jamais – même quand il touchait son cou libéré des larges pentacols impuissants à en dissimuler complètement la flétrissure – il n’avait songé à se délivrer

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