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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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compagne ! » Oriabel sortait d’un grand lit de fougères, nue, frottant frileusement ses seins purs et dardés, ses flancs ombreux et ses épaules de lait. Une embrassade les unissait, chargée de tels délices que jamais leur communion amoureuse n’avait été aussi étroite. Sans qu’ils eussent accompli le moindre mouvement, un plaisir infini envahissait leurs ventres.
    Ils se couchaient et leur sommeil était troublé par quelque chose. Froideur de l’acier… Quand le roi avait trouvé Tristan et Yseult endormis dans leur hutte fleurie, il avait planté entre eux son épée : Arthur savait qu’une lame nue, dressée entre deux corps, garantissait et gardait la chasteté des dormeurs. Et les deux amants, dans leur sommeil, ne pouvaient plus se rejoindre.
    « Jamais ! »
    Rien ni personne ne les séparerait une fois de plus. Ils se tenaient la main, abandonnant l’épée justicière et même Tiercelet. Lui, Tristan, éprouvait en fuyant une impression de vertige, et les forêts, les prés, les châteaux trapus apparaissaient, disparaissaient sans qu’il trouvât un lieu qui pût servir d’asile. Dans des lointains enfumés, des cris de mort et de terreur retentissaient ; cris de femmes, d’enfants subissant la géhenne. L’odeur forte du sang lui bouchait les narines. «  Plus loin ! Plus fort ! » commandait soudain l’homme à face de dogue. «  Viens ! Viens, Oriabel ! » Mais la jouvencelle blonde avait lâché prise. Mathilde avait usurpé sa place. Elle le retenait, s’accolait à lui, s’abreuvait à ses lèvres, béate, béante. «  Eh bien, qu’attends-tu, Castelreng ? » s’écriait Arnaud de Cervole brusquement apparu. Et pour ne pas déchoir aux yeux du malandrin, il s’exécutait, farouchement, cependant que, surgi de derrière un arbre, Naudon de Bagerant ricanait : «  Plutôt que de fournir du plaisir à ta dame, donne-moi la rançon dont tu m’es redevable ! » Le routier s’avançait, un vouge dans les mains, et désignait un chêne où pendait une femme : «  C’est elle… Tu ne l’auras plus ! » Mais qui était-ce ? Mathilde ou Oriabel ? Non, c’était Aliénor, désormais devenue l’épouse de son père !
    Il sentit bouger près de lui. Mathilde. Encore et encore. Des envies la prenaient parfois, le matin. Elle était toujours en quête d’un surplus de volupté. Sa main se posa sur le ventre humide et se retira ; il devina qu’elle flairait ses doigts.
    – Qu’as-tu fait ? Je ne te suffis pas ?
    La stupeur tombait sur elle à l’improviste.
    – Oh ! Si.
    – Tu te gaspilles… C’est comme un adultère !
    Il sourit dans la pénombre. Elle le tâtonna, le trouva :
    – Tu es mou.
    – J’étais ailleurs que dans ton lit.
    – Avec qui ?
    Elle se fût réjouie d’entendre : « Avec toi », mais il ne savait plus comment les choses s’étaient faites. L’ivresse du sommeil s’était évaporée. Son corps un moment stimulé retombait dans une sorte de torpeur que la rancune de Mathilde n’atteignait pas. Elle le toucha de nouveau, incrédule.
    – Tu aurais dû m’éveiller…
    Une haine sauvage, absurde, la jeta sur lui. Elle se frotta ventre à ventre sans parvenir à ses fins, méduse suffocante et pâle dont les cheveux épars mouillaient ses joues et se cardaient à sa barbe.
    – Tu vas frongier 90 oui ou non ?
    Une hydre… L’Hydre dont les pouvoirs changeaient les hommes en pierre. Mais point lui.
    Elle le mordit au sang : le menton puis les lèvres.
    – Je te hais !… Je te hais !
    Il n’osa suggérer : « Soit… Alors, divorçons. » C’eût été décupler sa fureur et s’exposer sans doute à quelque châtiment, sinon à l’expiation suprême. Il ne mettrait sa vie en péril que lorsque les événements lui paraîtraient propices. Il se leva ; Mathilde ricana :
    – Un homme ?… Va-t-il falloir te brancher, maintenant, pour que tu archonnes (439)  ?
    Il ouvrit la porte des latrines et en tira le balai qu’Ydoine y déposait chaque fois qu’elle avait nettoyé la chambre.
    – Prends ça, dit-il. Et si le manche n’est pas à ta mesure, demande à Panazol de t’apporter une lance… ou de me remplacer. Je n’en serai pas… marri, tu peux m’en croire !
    Puis, le verrou n’étant pas tiré, il ferma so igneuse ment la porte, fit une brève toilette et descendit dans la cour, le couteau avec lequel il tranchait le p ain enfoncé entre sa chair et le cuir de sa heuse. L

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