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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sinon précaire. Cela suffisait-il pour qu’ils devinssent les alliés d’un captif dont les fidèles de Mathilde ne se gênaient point, sans doute, pour s’ébaudir de la faiblesse d’âme et de corps ?
    « Paindorge me plaît. Il semble droit et honnête, même s’il paraît dévoyé. Beltrame, je l’ai vu, sait tenir une épée. C’est un chien à la quête d’un maître. Jean est jeune, insouciant… Morsang est indéfinissable… Callœt, le Breton, est de la lignée des Guesclin et autres routiers : le courage et la duplicité réunis. »
    Pourrait-il compter sur leur indifférence ? Sur leur concours ?
    – À quoi penses-tu ? dit Mathilde penchée, inquiète, à la fenêtre de la chambre. À elle ?
    –  Non pas… Aux oiseaux… Je les envie… Plus je les observe, plus je les aime… Si j’étais un oiseau…
    – Je serais ton autour.
    Encore une menace. Cette femme, constamment, était en chasse !
    Il rejoignit Jean et Paindorge devant la herse abaissée.
    – Paraît, dit l’aîné, que vous ne devez pas sortir ?
    – C’est vrai… Je suis tout comme prisonnier.
    L’ancien et le jeunet échangèrent un regard, et Paindorge murmura :
    – Nous n’aimons pas ce château… Nous vous aiderons et fuirons avec vous.
    C’était peut-être un piège. Tristan se contenta d’un geste de la main :
    – C’est bien de votre part.
    Il leur tourna le dos, les laissant pantois. Tout près, Panazol souriait niaisement à Mathilde, penchée jusqu’aux épaules hors du donjon à la façon d’une gargouille.

VI
     
     
     
    L’Archiprêtre survint sur le coup de midi. En armure. « Nullement par ostentation », songea Tristan installé au sommet du donjon, « mais par crainte des viretons et sagettes… Trois hommes le suivent j’en jurerais, ce Floridas qui l’accompagnait à Brignais avant que n’ait lieu la bataille. » Il s’assit sur le parapet, entre deux merlons, afin de ne rien perdre de la scène.
    Oui, c’était bien Floridas. Le pennoncier tenait fermement une bannière nullement conforme aux usages tant elle était longue, et sur laquelle figurait rampant le cerf de son maître, cerné d’une bordure besantée qui fit sourire Tristan : « Plus l’ambition de cet homme augmente, plus ses armes ont besoin d’étoffes… Des besants (440)  ! Se prend-il désormais pour Godefroy de Bouillon ? » Et il cracha dans le vide.
    Le second compagnon arborait sur son bassinet, tout comme Arnaud de Cervole, un bouquet de plumes d’aigle et de coq. Le troisième n’était qu’un bideau vêtu de mailles, assis sur un cheval de gobelet 91 auquel était attaché un mulet lourdement bâté, une lance fixée sur chaque flanc, le fut inversé pour que les fers n’allassent pas piquer la croupe de la bête de somme.
    « Il revient sûrement à Paris… Il ne se sentira pas gêné, ce Judas, devant le roi auquel il contera des sornes, d’avoir forfait à l’honneur et abusé la Couronne. Je jurerais que le bissac qui domine son gros bagage, sur le mulet, est plein de pièces et piécettes d’or et d’argent… Les deniers de la trahison !… Mais le dénoncerais-je, que notre suzerain refuserait de me croire. »
    Son épaule guérie appuyée au merlon, il vit Panazol courir au-devant des arrivants, puis Mathilde, moins empressée, partir d’un pas dansant à leur rencontre. Elle était coiffée d’un coquillon de velours vermeil, ses crins noirs galonnés de fils d’or et rubans, le visage ensafrané 92 avec soin – il avait assisté à ses apprêts –, rutilante des épaules aux pieds dans sa robe de samit qu’elle soulevait à peine – pudique, mais prête à tout.
    « On dirait qu’elle accueille un preux du roi Arthur ! »
    L’Archiprêtre venait de mettre pied à terre. Il prit Mathilde dans ses bras, l’y enferma étroitement et la baisa aux lèvres.
    « Pourquoi tient-elle à moi ? Elle n’a qu’à se faire foutre par ce grand brocard qui se prend pour un dix-cors, ou inversement !… Dommage, s’il se rend à Paris, qu’il ne puisse apparaître au souper du roi comme un cerf qu’on a servi le matin même : les dintiers d’un côté, la tête de l’autre, et les grosses molles tout près !… Oui, qu’il enfourche Mathilde et que, pendant ce temps, je parvienne à m’enfuir ! »
    Ces réflexions, à vrai dire, importunaient Tristan. Elles lui procuraient cependant une satisfaction d’importance en attestant du retour de sa

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