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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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gaieté perdue. Grâce à l’Archiprêtre, il vérifiait en Mathilde, qui s’était pas défendue d’une étreinte délibérément forte, la dépravée qu’elle était.
    « Tu peux la renverser, la foutriquer, Archiprêtre. Elle se partage plus aisément que le manteau de saint Martin ! »
    Un après-midi clair et tiède s’annonçait. Seul les plumails des arrivants révélaient que le vent des hauteurs qui s’égarait en bas s’y assagissait en brise. Apparemment éblouis par tant de bleu et de lumière les pigeons et les moineaux demeuraient figés sur les tuiles faîtières et les merlons des courtines, tandis que les hommes tournaient autour des quatre visiteurs, et l’on eût pu penser, à leurs gestes et leurs rires, qu’avant d’entrer en garnison à Montaigny, quelques uns avaient appartenu à la compagnie de l’Archiprêtre. Seuls les cinq nouveaux, à l’écart, conversaient entre eux. D’eux-mêmes ils s’excluaient d’une liesse pourtant singulière mais dont ils n’avaient que faire.
    « Peut-être pourrais-je compter sur leur aide. » Non, il ne se confierait à personne. Un seul homme existait qui fût vraiment dépositaire de sa confiance : Tiercelet.
    Tandis que l’Archiprêtre se penchait en avant, les mains aux reins, appuyées sur cette nouvelle pièce d’armure nommée batte-cul 93 , Mathilde, tournât sur elle-même, appelait : «  Tristan ! Tristan ! » d’une voix de femme aimante et inquiète.
    « Il ne sert à rien que je la rejoigne, mais plus j’atermoierai, plus elle pensera que ce malandrin m’en impose. Allons, Castelreng, du nerf ! »
    Sitôt dans la cour, il fut accueilli par les acclamations joyeuses de son épouse et de Panazol, et vit en s’approchant que la moquerie de l’une et le mépris de l’autre en étaient cause.
    Cervole, désheaumé, l’observait de loin. Sous ses sourcils dont le rapprochement simulait, au-dessus de son nez froncé, un vol de petit oiseau noir, peut-être cherchait-il quelque compliment agréable. Tout proche, accroché des deux mains à la hampe de la bannière, Floridas souriait de ses lèvres molles tandis que son compagnon s’entretenait avec Panazol. Quant au huron chargé du cheval de gobelet et du sommier dont il tenait les rênes entre ses dents – le temps de reboucler sa ceinture –, il paraissait évident, avec son air hagard et sa couenne de porcelet, qu’il ne jouissait pas de toute sa raison : il riait et conversait avec lui-même. Sa maigreur évoquait un pieu, une épée. Il suintait le vice et la matoiserie. Il caressa soudain la simousse 94 du mulet comme s’il s’agissait d’un petit animal.
    – Je te reconnais, Castelreng ! s’exclama l’Archiprêtre. C’est bien toi qui étais à Poitiers… Bertrand Panazol avait raison.
    La voix manquait de force et de cordialité. Le visage rude, visqueux de sueur, demeurait d’ailleurs morne, insondable, comme si le visiteur se refusait encore à nier le témoignage de ses yeux. Il faillit lâcher le bassinet qu’il maintenait coincé entre son flancart et sa cubitière, cependant que Tristan refusait de toucher à la dextre tendue. Par mépris et par crainte : elle était en effet, enfermée dans un gantelet à gadelinges 95 . Il fût inutilement blessé.
    – Suis-je le bienvenu ? s’inquiéta l’Archiprêtre.
    Le hochement de tête auquel Tristan se contraignit pouvait signifier qu’il l’était. En réalité, ce mouvement s’adressait à Mathilde et n’avait pour dessein que de la rassurer sur une courtoisie qui, bien qu’affectée, resterait conforme aux devoirs de l’hospitalité.
    – Ah ! Montaigny… Quelle joie de revoir ce châtelet si plein d’aménité ! Par le sel de mon baptême, je n’en connais aucun d’aussi beau !
    Arnaud de Cervole délayait le compliment avec tant de mauvaise foi que Mathilde elle-même douta de sa véracité. Pour cet homme en quête d’opportunités de toutes sortes, une chaumine eût convenu à sa halte pourvu qu’il fût certain de partager la pitance et le lit de l’hôtesse. Il toupina trois fois pour embrasse d’un coup d’œil prolongé l’édifice et les hommes qui s’y trouvaient. Son armure miroita ; elle était belle, apparemment neuve. Les épaulières en étaient larges et le jupon de mailles orné, sur son pourtour, de petits triangles d’anneaux de cuivre. Il arborait un volet de soie rose à sa cubitière senestre. Tristan regretta son habit de fer. Un des

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