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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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surtout, de maîtriser le langage qu’elles lui dictaient. Or, voilà qu’il lâchait la bride à un courroux dont il eût pu se passer, puisqu’il était provoqué par des affaires espagnoles qui ne le concernaient en rien. Mathilde le regardait, faisant tourner autour de son mé dius senestre une bague démesurée représentant un château avec quatre tours d’angle et un donjon central, rond, coiffé d’un toit en pyramide. Et cette pyramide était une améthyste.
    Il s’était étonné, lorsqu’elle s’était apprêtée, de la voir consacrer tant de temps et de minutie à sa parure. « Vous le révérez comme un saint et vous parez comme une châsse. » Elle l’avait considéré d’un regard tellement glacé qu’il avait compris cette humiliante évidence : auprès de l’Archiprêtre, il semblait tout petit. Il se pouvait aussi qu’elle songeât à le rejeter après une passade où l’amour dont elle se prévalait n’avait jamais existé. Elle n’était pas femme à s’embrelicoquer dans des procédures de divorce. De plus, un divorce eût fait rire son entourage et tous ceux de Lyon qui avaient assisté à sa véhémente demande en mariage. Il fallait donc qu’il disparût. Comment ? La meute, évidemment, consommerait le crime. Il dut, à ce tournant de sa méditation, accorder plus d’intérêt aux paroles de l’Archiprêtre.
    – Ce Pedro est un goujat couronné. Connaissez-vous sa vie, Castelreng ?
    – Je sais sur lui tout ce qu’il faut savoir. Et je le hais pour avoir fait occire la bonne dame Blanche.
    – Vous en parlez avec tant de componction qu’il semble que vous l’avez connue, releva Mathilde.
    – Nous l’avons, mon père et moi, accompagnée quelques lieues – jusqu’au château de Puylaurens – quand elle prit le chemin de l’Espagne.
    S’il s’était tant amouré d’Oriabel, n’était-ce pas parce qu’elle lui ressemblait comme une sœur puînée ressemble à son aînée ? Dire qu’il fallait ce repas et ces convives en vérité lugubres pour qu’il évoquât, en refoulant son émoi, ces deux créatures blondes qui parfois hantaient ses songeries. Pour accéder à la quiétude, il n’avait d’autres ressources que de les susciter, involontairement ou non. L’une avait son respect et l’autre son amour.
    – Allons, buvons, dit Mathilde en levant son hanap. Sers-nous, Ydoine, de ce vin de Mâcon…
    Tandis que la grosse servante obéissait, Arnaud de Cervole se pencha :
    – Sais-tu, Castelreng, à qui tu me fais penser ?… A un Anglais du nom de Jean de Wyn. C’est un capitaine au service de Lancastre… et qui tient pour son compte tantôt un châtelet, tantôt un autre 1 (446) … Jeune, beau, ardent et hardi, et cherchant des amours belles et par faites, mais assurément point celles d’une fille d’auberge !… Il a pris pour surnom celui de Poursuivant d’Amour.
    Ainsi, Mathilde avait pu l’entretenir d’Oriabel ! Pour le diminuer dans l’esprit de ce malandrin qui, par ce biais, lui exprimait son mépris.
    – Soit, messire, je suis un poursuivant d’amour. Insinueriez-vous qu’il me faille battre en retraite dans cette voie que vous trouvez scandaleuse ? Laissez-moi disposer de mes sentiments…
    Un petit rire de Mathilde signifia : «  Tu oublies que tu es ma chose  » tandis que le crissement d’un couteau sur une écuelle signifiait que Donat accordait à cette passe d’armes une attention particulière.
    – Tout cela me concerne, insista Tristan. Quel acte est le plus vil, selon vous ? Courir à corps perdu vers une mésalliance ou reculer devant les épées ennemies. Il y a plusieurs formes de reculades : celle qui survient avant celle qu’on fait pendant ou quand tout est perdu…
    Il s’apprêtait à entendre rugir cet homme sans foi ni loi. Il n’en fut rien. Heurteloup, Panazol et le petit Darby baissaient la tête, craignant les effets d’une moquerie aussi acérée que les lames qu’elle évoquait. Le large sourire de Bernard Donat révélait son contentement d’arbitrer pour lui-même un différend auquel Arnaud de Cervole, déconfit, mettait un terme en riant :
    – Tu n’as pas changé, Castelreng, depuis Poitiers. Moi, je dis qu’il est habile de sauver sa peau quand tout est perdu pour reprendre ailleurs la bataille 111 et qu’un chevalier vivant vaut mieux qu’un chevalier mort. Et je lève ce hanap à ta santé ! Tu ne la conserveras pas longtemps si tu aimes à titiller ainsi les

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