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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pour le savoir !
    Il jubilait.
    – Bois donc ! dit Mathilde. Tu seras moins enfelonné contre messire Arnaud ! Il est grand temps de te désaguerrir… Buvons tous !… Au diable tous les principes ! Vivent, messire, vos Fiançailles !
    Qu’espérait-elle ? Qu’ils allaient boire et s’échauffer davantage ? Et pour en venir à quoi ?
    Tristan leva son hanap en direction de l’Archiprêtre, et le vida d’un trait.
    « Trop épicé », songea-t-il.
    Et sa lucidité lui fit soudain défaut. Ses pensées s’agglutinèrent les unes aux autres. Quelque chose de noir emplomba sa vue. Rien ne s’éclaircissait devant lui, et les efforts qu’il déployait pour s’extirper de cette incohérence et de ces gluantes ténèbres devenaient plus stériles à mesure qu’ils gagnaient en violence. Les sons eux-mêmes étaient d’une telle rudesse qu’on les eût dit fouettés au vent d’une tornade. Ainsi lui semblait-il que son épouse et son invité riaient exagérément et que, sans se gêner, Cervole considérait son hôtesse avec un air de propriétaire. Bon sang ! Que se passait-il ?
    « Lève-toi ! Lève-toi !… Sors de ce donjon. De l’air… De l’air… »
    Marcher ? Il s’en découvrait incapable. Le long de ses bras, de ses jambes, de son dos serpentait un picotement glacé. Il devait, il fallait qu’il vomît pour recouvrer son souffle. Ydoine ricanait : elle l’avait enherbé.
    –  Que lui as-tu fait ? demanda Donat.
    À qui s’adressait-il ? À la grosse servante ? À Mathilde ? À Cervole ?
    Tristan fit un effort pour regarder ce couple immobile et muet et lui crier son exécration. Impossible. Ses mâchoires étaient lourdes et scellées l’une à l’autre. Il vit la main de l’Archiprêtre saisir celle de Mathilde et la porter à ses lèvres.
    –  Vous…
    Il voulait crier, il éructa. Une bave épaisse envahit sa bouche. Enfin, il se leva et chancela.
    Il sut qu’il tombait en avant et fit un dernier effort pour ne pas choir sur le pavement la tête la première, mais quelqu’un le ceintura d’un bras.
    – Holà ! Compère, cria Donat. Prends garde…
    *
    Des rires enchevêtrés – homme et femme. On le hissait dans un escalier. Lequel ? « C’est elle », songea Tristan. « Son anneau… Me méfier… » Le donjon du château enchatonné à la bague de Mathilde contenait une poudre tosique (449) . Sur un mouvement du couvercle – le toit d’améthyste –, le poison s’était répandu dans sa boisson. Ils s’ébaudissaient à bon droit de sa négligence.
    « Je vais mourir ! »
    Quelque effort qu’il fît pour échapper aux abîmes où sa lucidité sombrait, il savait que bientôt tout semblant de vie s’éteindrait en lui. C’étaient Panazol et Heurteloup qui le soutenaient, l’un par les aisselles et l’autre par les chevilles. Mathilde suivait et sûrement Cervole.
    Bras mous et ballants. Tête lourde. Absurde, injuste, humiliante vexation. Pourrait-il s’en venger ?
    « Je devrais être mort… Sa poudre était-elle éventée ? »
    On le déposa sur un lit ; quelqu’un demanda s’il fallait le déshabiller. Non, c’était inutile. Cependant Panazol lui retira ses heuses.
    Il perçut le couinement des gonds d’une porte et tenta de dominer le froid qui le saisissait à plein corps. Des poings d’acier battaient un tambour sous son crâne. « Non ! Ne clos pas tes yeux : ils ne s’ouvriraient plus ! » Les poutres dont le plafond était tout alourdi se rapprochaient de lui, s’en éloignaient ; son cœur s’affolait et ses entrailles le brûlaient. Il fit un violent effort pour se lever, et sitôt debout, chancelant, il s’aperçut qu’il était dans une chambre inconnue dont la simplicité reflétait cependant des attentions féminines : le rideau de brocart le long d’une embrasure ; la courtepointe du lit faite de velours assemblés dont les couleurs se brouillaient pour peu qu’il y attardât son regard, et le grand bahut de cuir orné de bossettes d’argent.
    « Marie ! »
    Il était dans sa chambre. Était-ce là qu’elle était morte ? Comment ?
    Tout devint noir.
    Le froid de l’aube l’éveilla. Il se traîna jusqu’au lit où, à peine enseveli sous la couverture, il fut hanté d’une humiliation terrible.
    Que Mathilde, dans la chambre au-dessous, se fut prêtée aux appétits de son visiteur, soit. Ce n’était pas cet « adultère » qui l’ulcérait, mais son intolérable

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