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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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gauche de l’Archiprêtre. Lui, l’époux négligé, se trouvait à sa droite, et Heurteloup et le petit Darby, le menton gras, l’observaient avec une dérision qui, en tout autre lieu, eût mérité un châtiment. Sans doute avaient-ils flairé combien il était « tenu » par sa femme. Tenu le jour, tenu la nuit ; tenu par une coutume faisant office de loi ; tenu par un mariage désagréable, tenu par un destin qui ne pouvait changer que par un parjure, chose ignoble mais nécessaire dans son cas.
    – Où partez-vous ainsi, mon ami ? demanda Mathilde à l’Archiprêtre.
    – Me marier… Ne vous l’ai-je point dit ?
    Avec plaisir, Tristan releva que Mathilde avait pâli. Elle était jalouse de toutes les femmes. Toutes préjudiciaient une suprématie dont il ignorerait toujours, sans doute, sur quel critérium elle l’avait établie.
    – Hé oui !… J’épouserai bientôt Jeanne, dame de Saint-Georges et de Châteauvilain 108  !
    – Vous remplacez bien vélocement, il me semble, la feue dame Jeanne de Graçay !
    L’Archiprêtre s’étrangla et, fronçant les sourcils :
    – Cela vous va bien, m’amie, de m’admonester aussi rigoureusement ! Vous en êtes à votre troisième mari ; j’en serai à ma seconde femme. C’est bien vous qui me devancez !
    Le regard qu’ils échangèrent en disait long sur la nature de cette amitié à laquelle Cervole avait fait une allusion courtoise, mais corrosive.
    – Et les compagnies ?… Qu’avez-vous à nous dire qui puisse nous conforter ? Vont-elles demeurer à Brignais ?
    Plutôt que de répondre à Mathilde, l’Archiprêtre s’avisa soudain de son époux :
    – Sans doute. Castelreng, eût-il été profitable de négocier leur départ avant que de les assaillir comme cela fut fait.
    – Erreur, messire. Ce sont elles qui ont attaqué les gens du roi avant l’aube.
    – Soit… De toute façon, si Bourbon et Tancarville avaient envoyé à tous ceux qui les attendaient de pied ferme quelque ambassaderie, tout se serait passé dans un commun respect…
    « Respect ! » enragea Tristan, cependant qu’impassible, l’Archiprêtre continuait :
    – Avec un tantinet de bienveillance des deux côtés, Bourbon, son fils et moult chevaliers, écuyers, hommes d’armes méritoires vivraient encore… Certes, Audrehem, qui ne les aimait pas, ferait la grimace… On m’accuse parfois de félonie, mais le maréchal n’est pas sans reproches. Retardant son départ de Sauges, il arriva dans Lyon quatre jours après la bataille.
    –  Avec une circonspection dont je vous fais compliment – he oui, messire –, vous avez préféré négocier avant que la tuerie commence.
    Ce trait empoisonné, l’Archiprêtre l’écarta d’un rire léger accompagné d’un geste de la main par-dessus son épaule. « Je suis découvert », devait-il songer. « Mais par qui ? Une espèce d’avorton de chevalier que mon ancienne maîtresse a pris pour époux par pitié, joignant du même coup l’utile à l’agréable. » Il toussota pour que sa voix fut plus nette. Sous le velouté des mots, Tristan discerna des lames :
    – Les hommes de Brignais sont les meilleurs guerriers du monde. Mieux vaut les avoir avec soi que contre soi. J’inviterai le roi à s’en débarrasser en faisant miroiter à leurs yeux les beautés de l’Espagne. Henri de Trastamare veut occuper le trône de son frère Pedro, qu’on dit Cruel depuis le trépas de sa jeune femme, Blanche de Bourbon (445) . Henri ou Enrique, comme vous voudrez, ne dispose que d’une petite armée…
    – Ses guerriers ne valent guère mieux que les routiers. Quand ils passèrent en France, ils se conduisirent aussi honteusement !
    – Holà ! Je n’en disconviens pas. Et c’est pourquoi ce serait une aubaine qu’une alliance ait lieu, solide, entre les gens de France et ceux du Trastamare afin de conduire, ceux de Brignais en sus, tous les malandrins en Espagne.
    – On verra se renouveler, là-bas, toutes les mauvaisetés commises au royaume de France, mais cette fois en se prévalant d’une…
    – D’une juste cause !
    Tristan broncha. C’était trop :
    – Je ne sache pas, messire, que la cause du Trastamare soit juste. Il n’est que le frère bâtard d’un roi légitime. On raconte qu’il pourrait lui fournir des leçons de cruauté !
    Tristan s’interrompit. Quelques moments avant cet entretien, il s’était félicité de pouvoir contenir ses colères et,

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