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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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yeux s’étaient foncés dilatés. Sur une oscillation de son menton hautain, elle parut le jauger, le mettre au défi de venger une jouvencelle défunte. Eh bien, non : ce forfait ne le concernait pas.
    – Tu en sais trop, désormais, pour hanter la forêt prés de moi, comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant. Nous sortirons différemment : les naseaux des chevaux de Panazol, Herbulot ou un autre toucheront la croupe des nôtres… Je vais te faire porter de l’eau par Ydoine, car tu as mauvaise haleine…
    Elle disparut. Tristan soupira d’aise.
    Mathilde revint à la nuit, silencieusement, et s’étonna de voir son époux étendu sur le lit, habillé.
    – Pas envie de dormir ?… As-tu faim ?
    – Pour que je mange, il vous faudra goûter les mets que vous me ferez porter.
    – Soit… Veux-tu revenir dans notre chambre ?
    – Je suis bien céans.
    Mathilde s’en alla chercher de la nourriture. D’un bond, Tristan fut debout. L’oreille collée contre l’ais de la porte, il entendit :
    – Fouchard, je vais revenir avec un panier de vitailles. Quand j’aurai rejoint mon époux, couche-toi en travers de l’huis, et toi, Jabeuf, devant l’entrée du donjon…
    Elle s’exprimait doucement, mais on percevait le commandement sous le chuchotis des mots.
    – Sois armé.
    – J’ai le quenivet que je porte à la chasse aux bêtes noires.
    – Avant l’aube, Roussel viendra te remplacer… As-tu lâché Bayart et Lucifer ?
    – Panazol s’en est chargé. Ces deux-là, à eux seuls, valent toute une meute.
    Les chiens, toujours les chiens. Fuir, désormais, serait plus difficile encore.
    *
    L’aube versait sa nacre rosée dans la chambre. Ils reposaient les yeux ouverts, Tristan, habillé, sur la couverture, Mathilde nue, dessous, jetant parfois des regards sur ses mains et les flairant de loin en loin, après qu’elle les eut frottées sur son corps.
    Quand elle fut lassée de ce jeu, elle se leva et, contrairement à l’habitude, se couvrit promptement de sa huque dont elle noua la cordelière.
    « Quelle soudaine pudeur ! », songea Tristan.
    Une autre matinée, il se fut égayé de cette précaution ; et comme elle se tournait vers lui, muette, indécise, il simula un bâillement dont elle réprouva, d’une lippe et d’un soupir, la grossièreté volontaire.
    – Il m’a semblé, cette nuit, qu’un homme ronflait devant notre porte.
    – Un homme ?… Là, de l’autre côté de cet huis ?
    Mathilde avait tressailli. Après lui avoir promptement dissimulé son corps, elle lui dérobait maintenant son regard en feignant de chercher quelque affiquet tombé sur le tapis de bordât (450) grenat armorié en son milieu d’un bélier d’argent sur fond d’azur.
    Ydoine entra sans frapper, contrairement aux usages. Elle portait un seau d’eau chaude et, sous ses aisselles des serviettes roulées.
    – Un homme devant cette porte ? s’étonna Mathilde d’une voix de fausset. Vous avez rêvé, mon époux !… Y a-t-il, Ydoine, un soudoyer devant le seuil de cette chambre ?
    –… n’en ai point vu.
    La grosse servante semblait gênée par tout autre chose que ses fardeaux. Réprouvait-elle les agissements de cette « fille » à laquelle elle avait donné le sein ? Pour qu’elle l’eût abreuvée de son lait, il fallait qu’elle ait eu un enfant. Qu’était-il devenu ?
    – Personne, dit-elle, pour complaire à Mathilde.
    Elle déposa l’eau et, levant les bras, laissa choir les serviettes sur le tapis. Mathilde, d’un pas dansant, gagna la petite porte du bouge et s’isola derrière. Aussitôt, le visage d’Ydoine changea. Ses traits durcis, tendus, impénétrables, s’altérèrent. Un sourire – autant que sa grimace en fut un – mit un soupçon de bonté sur sa face débiffée, d’ordinaire si hermétique, si blême, qu’on l’eût crue soustraite à quelque portail d’église – côté damnés.
    – Juste avant le souper, allez à l’écurie… Montez à l’échelle et mussez-vous dans le foin… Elle vous a pris votre épée, mais vous la retrouverez là-haut… Paindorge vous préparera Malaquin… Des rênes, mais point de selle afin de ne pas attirer l’attention… Quand le feu prendra dans le logis des hommes, hâtez-vous… Pendant qu’ils chercheront à l’éteindre, Beltrame fera tomber le pont-levis… Ne vous souciez pas d’autre chose que de galoper fort loin de Montaigny.
    – Pourquoi, Ydoine ?… Je croyais que

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