Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
dissuadait d’avancer. La rumeur atténuée des hommes, en bas, semblait appartenir à une autre vie qu’il préférait à cette soudaine solitude d’où la mort, sa mort, pouvait surgir.
    « Qu’il se hâte !… Ils vont vaincre le feu et me vaincront ensuite ! »
    L’ancien lieutenant de Cervole se décida. Il piétina la paille et le fourrage, plongeant sa lame dans les masses ténébreuses d’où sortait, çà et là, le manche d’une fourche. Tristan faillit recevoir une estocade à la gorge et ne bougea pas. « S’il était plus hardi, il me tuait. » Allait-il descendre ?
    – Ne perds pas ton temps, dit Mathilde. Il est ailleurs… Viens donc. Prends garde aux affenoirs ! Si tu tombes dans l’un d’eux, tu es mort… Et je tiens à toi !
    Tristan tremblait, suait, claquait des dents. Au prix d’un effort qui lui tordit le cœur, il parvint à dominer son corps. La prise de sa Floberge suait entre ses doigts. Mal aux reins. Ne pas bouger. Éviter de grogner comme une bête fauve.
    Loin, maintenant, Panazol semblait tisonner la paille. Il procédait vivement, pour se donner bonne conscience.
    – Rien, dame, dit-il… Sauf que ce fourrage me rappelle qu’un jour…
    – Tais-toi ! cria Mathilde. Tais-toi !… Crois-tu qui ce soit le moment ?
    Émergeant lentement de son abri tandis que le sénéchal descendait de l’échelle, Tristan vit Mathilde, couverte de sa huque vermeille sous laquelle – Panazol ne s’y trompait pas – elle était nue.
    En une tout autre circonstance, le rustique Bertrand eût palpé cette chair qu’il connaissait déjà, mais à laquelle il n’osait toucher : Mathilde pouvait s’indigner qu’il la voulût trousser dans des conditions détestables.
    – Va les aider ! dit-elle. Il faut vaincre ce feu.
    Et seule, elle regarda le sommet de l’échelle.
    – Je sais que tu es là !… Ce ribaud a eu peur et ne t’a pas cherché. Moi, je ne te crains pas. Je viens !
    « Elle monte ! » vérifia Tristan. « Il va me falloir l’occire. »
    Puis il changea d’idée. Les ronflements de l’incendie devenaient si violents qu’il n’eut aucune difficulté, sans qu’elle l’entendît, à atteindre la trappe dans laquelle on poussait les trosses de paille destinées au renouvellement des litières. Quand Mathilde atteignit le milieu de l’échelle, il rengaina sa Floberge et sauta dans le vide. Il se reçut silencieusement sur le sol et se dis simula dans la sellerie sise au milieu de l’écurie et qui jouxtait la stalle d’Aiglentine.
    Mathilde marchait au-dessus de lui. Elle allait d’un pas égal sur les lattes de bois disjointes.
    – Tristan !… Tristan ! dit-elle.
    Elle dominait sa peur. Elle dut saisir une fourche et se mit à sonder le fourrage. Il l’entendit jurer. Enfin, elle planta les dents ferrées sur le plancher.
    Elle redescendit. Elle portait à l’extrémité de ses longues tresses des viroles d’orfroi dont elle lui avait dit un jour qu’elles étaient un présent de Marie. La jouvencelle avait sans doute, un certain temps, tenu dans ce cœur sec une place qu’aucun mâle y avait occupée. Maintenant, désamourée une fois de plus, Mathilde cherchait sa proie de cette démarche un peu dansante qui faisait de sa quête une sorte de jeu.
    L’opportunité d’un meurtre bref, parfait, subjugua Tristan :
    « Il ne faut ni qu’elle crie ni qu’elle sorte… Le pont-levis doit être baissé… Pourvu que Panazol, Jabeuf, Herbulot ou un autre ne soit pris de l’envie de le remonter… Tiens, la voilà !… Quelque chose luit à sa hanche, coincé entre son corps et sa chevillière 118  : un tranchelard. Celui de Panazol ! Je comprends pourquoi, là-haut, il avait peur ! Il lui fallait une longue lame.
    Il avait les jambes molles. Les violentes pulsations de son cœur l’étouffaient. Allait-elle crier ? Ameuter les autres ?
    Comme Mathilde dépassait le poteau sur lequel s’entassaient quelques selles, il bondit, la ceintura et retint de sa paume appliquée sur sa bouche le cri qui allait en jaillir.
    – Doucement, mon épouse…
    Sa main la tâtonna, mais cette fois pour la soulager de son arme dont il appliqua la pointe sur le cou, près d’une veine jugulaire.
    – Un seul grognement et tu meurs.
    La poitrine collée au dos de Mathilde, il ne pouvait voir le visage qu’elle avait à cet instant, mais il l’imaginait misérable, blême, flétri de honte et de frayeur.
    – Avance jusqu’à

Weitere Kostenlose Bücher