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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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nos chevaux à ce chaland qui n’avance plus, là-bas… Ses deux limoniers sont sans force. Tenez ! Le batelier nous appelle.
    – Il est vrai, dit Tristan, que nous n’avons plus un sou vaillant, et c’est pourquoi nous devons être avaricieux de notre temps… Allons plus loin faire trempette : il y a par ici des frappements de battoirs…
    Ils virent bientôt les lavandières, deux jeunes et une vieille agenouillées au bord de l’eau, la croupe saillante. Paindorge siffla éloquemment ; Morsang gémit : « Seigneur ! » en se grattant la barbe et Buzet révéla qu’il connaissait, rue en Champ-Flory, tout prés du Louvre, une putainerie où les filles méritaient d’être connues.
    – Pauvres comme nous sommes, gémit Callœt, on ne pourrait que les regarder. Mais voyez ces laveuses ! On dirait des Maures dans une mahomerie. Il paraît qu’ils prient comme ça : le potron en l’air.
    – Ce soir, dit Beltrame, plutôt qu’aller à vêpres, faudra faire en sorte de garnir notre tirelire… Mais où et comment ?
    – Du côté du Grand Châtelet, dit Buzet. Il y a une rue couverte qui donne rue Saint-Leufroy… Les marchands sont nombreux en ces lieux puisque c’est là qu’ils versent ou perçoivent je ne sais quelles contributions… Il y a aussi le Pont-au-Change où les nantis qui sont dans la dèche… la déchéance, quoi ! rendent visite aux Lombards… et puis, tout près, un quartier juif qui se reforme…
    – C’est vrai, dit Tristan. On les a tenus pour responsables de la peste noire. On les a pendus, brûlés, tranchés. On a bouté ceux qui restaient hors du royaume… Ce n’est pas par remords ni par bonté d’âme que le roi Jean et le dauphin, en mars dernier, les ont autorisés à revenir !… C’est pour qu’ils recommencent à pratiquer le prêt – cela pendant vingt ans – et en les soumettant à une capitation de quatorze florins d’or par chef de famille pour la première année, et sept pour les années suivantes… Et, autant vous le dire : vous ne roberez rien.
    – Bah ! Les Juifs…
    – Si tu as quelque attayne (457) contre eux, Paindorge , mets-la sur ta selle et assieds-toi dessus… Je ferai en sorte d’avoir ce qu’il nous faut… Il est juste que la bonne chance finisse par me sourire !… Allons, les gars : cessons nos parlures, arrêtons-nous, baignons-nous, rafraichissons-nous la hure et soyons…
    – Propres comme des sous neufs ! conclut Callœt.

II
     
     
     
    Soudain fermement croisées, les guisarmes de deux huissiers interdirent le passage à Tristan.
    – On n’entre pas.
    – Passe ton chemin, l’homme.
    Ils étaient coiffés du chapel de Montauban, le torse pris dans une cuirasse, les bras et jambes chargés de mailles. Des jouvenceaux. Le puîné s’était rasé pour la première fois : une taillade suintait sous son nez. Il réitéra :
    – Passe ton chemin.
    Tristan hocha la tête :
    – Vous faites bien votre ouvrage, mais il me faut entrer. Allez me chercher votre capitaine… à moins que je n’y aille moi-même. Je connais Vincennes…
    – Si vous n’étiez ceint d’une épée, interrompit le second garde, un brun à la moustache incertaine, sûrement que je vous aurais pris pour un de ces manouvriers qui élèvent le donjon (458) et les manoirs qui sont entre ces murs.
    Deux autres hommes d’armes apparurent.
    – Vous êtes au complet, dit Tristan.
    – Que voulez-vous dire ? fit le jeune hutin.
    – J’ai suffisamment vécu en ce château pour savoir que le guet est assuré par quatre hommes de Montreuil et deux de Fontenay. Et que si l’une de ces gardes est absente, on va en quérir une autre à l’entour, parfois jusqu’à Noisy-le-Sec… et que ces manquements sont sanctionnés par une amende de seize deniers… Je sais même que, du temps où je passais fréquemment par ici, un nommé Pluyau guignait du côté de la conciergerie… Le dauphin lui avait promis de l’y employer…
    – Vous connaissez les lieux ! approuva le hutin en relevant sa guisarme. Mais il est tard, la nuit tombe : voyez, on allume les torches et les pots à feu… Revenez demain.
    Son compagnon maintint obliquement son arme.
    – Qui que vous voulez voir ?
    – Le roi.
    Tristan apprécia le coup que cette réponse assenait aux quatre regards (459) . Le fait d’être encuirassés depuis peu les pénétrait de leur importance. Tous avaient maintenant des visages soucieux sous le bord du chapel de fer.

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