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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’esseuler… Mais je ne saurais vous dire quelle fut la nature de cet entretien…
    – Êtes-vous satisfait, chevalier ? demanda gaiement Hugues Aubriot.
    Il y avait de la hautaineté ainsi que du mépris dans sa façon d’incliner sa tête enchaperonnée de velours rouge à cornette nouée, qui lui donnait l’aspect d’un chou cabus. Tristan préféra l’ignorer :
    – À demain, messire Chalemart. Pardonnez-moi de vous avoir attardé !
    Les cavaliers passèrent, muets, orgueilleux. « Ceux-là », songea Tristan, « on ne les voit jamais à la guerre ! » Il marcha vers ses hommes immobiles, un peu plus loin, devant les chevaux fourbus. D’un geste, il les invita à le rejoindre.
    – Eh bien, messire ? s’informa Paindorge.
    – Soyez quiets. On nous fournit le gîte et le couvert. Amis, pour qu’on nous traite avec certains égards, il va falloir patienter… Ce faisant, vous pourrez tailler des épées de bois à ces preux que vous venez d’entrevoir.
    Il était injuste envers Jean Chalemart. Encore que, pour le savoir, il allait devoir attendre une nuit et une demi-journée.

III
     
     
     
    –  Eh oui, je sais, ce fut une affreuse bataille…
    Le roi s’arrêta devant une des fenêtres ouvertes d’où l’on découvrait le donjon en construction. Il parut indifférent aux mouvements des hommes au sol et sur les échafaudages ainsi qu’à celui des charrettes tirées par de robustes attelages, les unes grevées de pierres taillées à la carrière, les autres vides et repartant, inlassables, vers un nouveau chargement.
    – Qui pouvait, Castelreng, prévoir une pareille déconfiture ?
    « Ce n’est pas moi qu’il interroge », observa Tristan debout, immobile entre une armoire et un faudesteuil au siège et dossier garnis de cuir noir rehaussé de volutes d’or. « Non, bien qu’il ait dit mon nom, ce n’est pas moi… Ni à lui-même. Les yeux ainsi levés, c’est le ciel qu’il questionne. »
    Des cris noyaient la vaste cour ensoleillée où s’étendait à peine – il allait être midi – l’ombre de l’immense tour et les bourrelets du second étage, achevé, que l’on commençait d’exhausser.
    – Vous y étiez… Vous m’avez raconté… Ce fut comme si j’y étais !
    – Sire, je n’en doute point. Ce fut aussi terrible et, sanglant qu’à Poitiers…
    Bien qu’ils échangeassent autant de propos l’un que l’autre, Tristan sentait qu’il existait à peine pour cet homme empêtré dans les souvenirs d’un humiliant échec. Poitiers… Le champ de mort, les chemins de mort, les cris de mort. Ils disaient « Poitiers », c’était Maupertuis, et mieux encore : Nouaillé, la Cardinerie, les Grimaudières ; le ravin du Miausson. Avec ces remembrances-là, Jean II le Bon semblait se fustiger sans cesse. Mais était-il sincère en son affliction ? Maintenant qu’il plongeait son regard dans la cour, une sorte de sourire lui étirait les lèvres. Il n’était plus à Poitiers ni à Brignais qu’il ne connaissait pas, mais peut-être à Londres dans le lit d’une belle ou d’un beau, ou dans quelque tournoi, puisque son vainqueur, le prince de Galles, le traitait avec une courtoisie dont, assurément, il n’eût point usé à son égard si la fortune des armes avait honoré les Lis de France.
    L’on était le lundi 13 juin. Tristan avait dû attendre dix-huit jours cette audience royale, et comme nul serviteur ne lui en avait fixé la date, en l’absence de Jean Chalemart, il avait dû demeurer constamment à Vincennes pour ne pas offenser le roi s’il le faisait mander vainement. Il s’était refusé à se trouver sur son passage, comme certains l’eussent fait, afin de ne pas importuner cet homme aux humeurs changeantes, aux vengeances promptes autant qu’insensées. Le maître des requêtes, avant de repartir pour la Bourgogne, lui avait fourni, contre un acte dûment formulé et signé, dix moutons d’or à rembourser en fin d’année. Il se sentait un peu l’otage de ce bienfaiteur dont la libéralité n’avait rien eu, pourtant, d’ostentatoire (461) .
    – Tancarville et Bourbon avaient pourtant une armée solide, qu’Arnoul d’Audrehem devait renforcer !
    Tristan hocha mélancoliquement la tête. Il ne plaignait pas ce roi morose, compassé, mais les milliers d’hommes d’armes qui, à l’entour du château de Brignais, avaient payé de leur vie l’impéritie de leurs chefs.
    – Il est vrai, sire, que

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