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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Ainsi, ils ne laissaient pas de lui être secrètement plaisants. Ils s’étaient attendus à avoir affaire à un huron venu de son terroir avec, sous son pourpoint, une recommandation éloquente destinée à quelque grand seigneur ; ils découvraient devant eux un garçon qui ne les dépassait guère en âge, qui les dévisageait sans présomption ni pusillanimité, et prétendait être reçu par le roi !
    – Non, je ne suis pas fou. Jean le Bon me connaît… Je suis Tristan de Castelreng, chevalier… Ne vous souciez point de ma mise : l’habit ne fait pas le moine. Je viens du Louvre où l’on m’a dit, après une journée d’attente, que le roi et le dauphin séjournaient à Vincennes… Il y a, pour moi, une impérieuse nécessité de rendre à Jean II mes devoirs.
    Une petite lueur de supériorité passa dans les yeux du hutin :
    – Nous ne doutons de rien, messire. Pourtant…
    La voix était ferme, sans moquerie, mais la capacité d’insolence qui en sourdait malgré tout fit passer dans le dos de Tristan un frisson glacé comme une lame :
    – J’ai suffisamment perdu mon temps ce jeudi… Allez chercher votre capitaine… Il me faut une audience particulière, le jour, bien sûr, où le roi y consentira.
    Le galop de trois ou quatre chevaux s’apprêtant à quitter la forteresse lui fit tourner la tête. Un seigneur, sans doute, revenait à son domicile accompagné de ses gens et, déjà, s’engageait sous le porche où un falotier venait d’accrocher une lanterne.
    – Messire !
    Sous la traction du mors, le cheval de tête hennit et se cabra. Son cavalier grommela un juron qui s’adressait tant à son roncin qu’à ce manant ceint d’une épée qui, bras écartés, lui empêchait la voie.
    – Éloigne-toi !… Tu vois bien que tu gênes !
    – Messire Jean Chalemart je suis Tristan de Castelreng.
    – Castelreng !
    L’ébahissement effaçait la colère.
    – Castelreng… Que faites-vous céans ? Qu’étiez-vous devenu ? Nous vous avions perdu de vue depuis cette réception chez Jean III de Chalon-Auxerre.
    – Le 17 décembre au soir, messire. Cinq mois dont je vous ferai le récit au cas où vous le voudriez… Mais j’ai surtout grand-hâte d’entretenir le roi de mes déconvenues !
    – Qui est-il ? demanda un homme dont le cheval gris pommelé entamait des protestations par un écart qui l’amenait devant Tristan.
    – Castelreng… Il était à Poitiers. L’an passé, il nous accompagna en Bourgogne quand le roi en prit possession.
    D’un geste, sans même se retourner, Jean Chalemart présenta son compagnon, jugeant peut-être exagérée son impatience :
    – Messire Hugues Aubriot… Nous avons moult choses à examiner, ce soir, en son logis, mais je serai présent demain à Vincennes, vers midi…
    Tristan caressa le garrot du cheval pommelé dont la nervosité cessa.
    – C’est que, messire Chalemart, je viens d’arriver, accompagné de cinq soudoyers… Ma bourse est aussi dégarnie que mon estomac…
    Le maître des requêtes s’adressa aux quatre guetteurs ébahis :
    – Oyez !… Que l’un de vous conduise ce prud’homme, ses gens et leurs chevaux dans l’écurie d’où nous sortons. Qu’on leur procure de la bonne paille, du vin et de la nourriture… C’est hélas, tout ce que je puis faire pour vous, chevalier. Mais demain, je vous en fais promesse, votre désir de voir le roi sera exaucé !
    – Je vous en sais bon gré, mais… une dernière chose.
    – Vélocement alors ! tonna Hugues Aubriot (460) .
    Tristan sentit ses lèvres chatouillées par un juron.
    – Messires, dit-il, s’adressant aux deux hommes et aux trois cavaliers immobiles dans la pénombre teintée des ors et vermillon du flambeau, je voudrais savoir si le roi a reçu, quelque temps après la bataille de Brignais, le maréchal de Bourgogne.
    Jean Chalemart porta sa dextre à son chaperon qui tombait tant son cheval piétinait le pavé, le secouant fort. Il était, en effet, de constitution fragile, et bien qu’ayant été fait sur mesure, son pourpoint, serré par une ceinture large, épaisse, formait des plis profonds tout autour de sa taille. Chacune de ses heuses eût pu contenir ses deux jarrets. On voyait surtout, dans son visage, son nez volumineux, presque aussi rouge qu’une crête de coq.
    – Oui, Castelreng, dit-il, le roi a reçu Gérard de Thurey et son écuyer… Je les ai vus passer le seuil de la petite librairie où il aime à

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