Le poursuivant d'amour
envahir la Bourgogne… Ces concessions aboutiront à des arrangements plus importants… Audrehem s’est abouché avec ces hommes…
Il ne disait pas : malandrins comme s’il s’était pris pour eux d’une sorte de bienveillance et même de la considération que l’on se devait d’avoir pour ses francs ennemis. Au reste, il pouvait leur manifester quelque intérêt : ils avaient vaincu son armée.
– Comment faire autrement que de négocier ?… Audrehem acquittera la rançon de l’Archiprêtre. Il a proposé à ces gens, de ma part, un accord définitif… Mais je reviens en Avignon : je sais que notre Saint-Père, Innocent VI, va nommer Guy de Boulogne son légat. Sitôt investi de ces fonctions. Son Éminence obtiendra, elle aussi, des arrangements avec les Compagnies. Nos efforts seront récompensés.
« Comment ? » se demanda Tristan.
– Sire, se permit-il, tous les capitaines de ces petites et grandes herpailles sont loin de se ressembler. Leurs dissentiments, dont je fus témoin, feront obstacle aux négociations et accords qui vous satisferaient… Ne venez-vous pas de me dire que la trêve s’était achevée le 26 mai, juste le jour où je suis arrivé à Vincennes ?… Nous sommes le 13 juin. Quelles sont les nouvelles ?
Le roi sourcilla, battit lentement des paupières, fit « Ha ! Ha ! » et sourit :
– C’est pertinent ce que vous dites, messire, sur la… euh… la dissemblance des caractères et… euh… l’affranchissement de ces hommes au sein même de la grande compagnie de Brignais. Je suis tenu informé de tout ce qui se passe aux quatre coins du royaume, mais particulièrement de Lyon à Avignon. Eh bien, le Bâtard de Breteuil s’est jeté sur l’Auvergne avec ses démons dès la fin de la trêve. Son imprudence et son orgueil l’ont perdu. Il a dû batailler, sous les murs de Montpensier, contre les Espagnols de Henri de Trastamare 136 qui lui ont infligé de lourdes pertes…
– Le Trastamare est lui aussi un malandrin, sire, à ce qu’on dit.
– Il se peut, mais comme Pierre le Cruel s’est accointé à Édouard, Henri est devenu mon allié… Or, donc, quand ils surent le Bâtard de Breteuil mal en point, les routiers de Brignais – pas tous, mais cependant moult d’entre eux – galopèrent à sa rescousse. J’en fus avisé hier… Vous voyez, c’est une nouvelle toute fraîche.
– Et que se passa-t-il, sire ?
Un instant, Jean II resta rêveur.
– Eh bien, chevalier, certains routiers, en atteignant Montpensier et voyant en quel état se trouvaient leurs compères, crièrent à la vengeance. D’autres trouvèrent que la défaite du Bâtard de Breteuil était une leçon. Et Garsiot du Châtel…
– Cette ordure en était !
– Ah ! vous le connaissez… Eh bien, Garsiot du Châtel et l’un de ses lieutenants, Garsiot de Nassi, que vous connaissez peut-être…
– Non, sire. Ce doit être un petit… Mais je connais le Bâtard de Breteuil.
–… se sont amoyennés 137 avec Audrehem. Nous allons donc négocier. Il nous est impossible d’éviter cette… cette…
– Humiliation, sire ?
– Comme vous y allez, Castelreng ! Je voulais dire ce traité. Oui, nous négocierons courageusement !… Il importe que nous aboutissions bientôt à un accommodement (471) … Nous convaincrons ces gens d’entrer au service de Henri de Trastamare qui veut guerroyer contre Pierre le Cruel pour ceindre la couronne de Castille. Il lui faut une armée forte et endurcie.
– Croyez-vous, sire, que ces hommes consentiront à former cette armée ?
– En doutez-vous ?
– Je les connais, sire. Peu leur chaut de mentir !… Ils n’ont pas comme nous le sens du devoir, du dévouement au pays de France. La fidélité à la parole donnée constitue, pour eux, la pire des sottises… Ainsi, ils promettent monts et merveilles aux dames et pucelles qu’ils ont en otagerie, or, il faut voir ce qu’ils en font !
– La France n’est pas leur otage, chevalier… Votre exécration pour ces gens vous égare !
Tristan fut tenté de prendre congé. Sa vérité passait pour de l’insolence ; il se pouvait même que Jean II lui tînt rigueur de l’avoir exprimée, troublant ainsi des rêves où sa domination ne se discutait plus.
– Ces malandrins n’obéissent qu’au vent de mort, sire. Ils assouvissent des appétits qui sont affreux, qu’il s’agisse de mangeaille ou de femmes… ou d’enfants…
– Ils se
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