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Le poursuivant d'amour

Le poursuivant d'amour

Titel: Le poursuivant d'amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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    Quelqu’un, sans s’annoncer, poussa la porte.
    – Ah ! Jean… Vous avez mis du temps pour revenir céans.
    – C’est que ces chevaucheurs, sire, entre deux propos, lampaient dru et fort… et qu’il eût été malséant de les interrompre soit dans leurs libations, soit dans leurs commentaires.
    L’homme qui venait d’entrer, vêtu sévèrement d’un jaque de cuir noir et de chausses grises plongeant dans des heuses crottées, sans éperons, était grand, barbu et si fortement déhanché que Tristan, qui pourtant ne l’avait jamais vu, lui donna immédiatement un nom : « Boucicaut 139  ». Il était ceint d’une épée à la prise habillée de fil de cuivre tressé, au pommeau semblable à une grosse noix, aux quillons plats, forgés en fer de hache et à très forte lame, à en juger par la largeur et l’épaisseur du fourreau gainé de velours cramoisi semé d’étoiles d’argent.
    – Jean le Meingre, que j’ai mandé car ses conseils sont toujours sages. Castelreng, dont je vous ai dit, ami, qu’il avait vu de près les routiers.
    Tristan s’inclina ; Boucicaut se contenta d’un petit mouvement de la tête, et tourné vers le roi :
    – Voilà ce qu’ils m’ont dit… Le gouverneur de Bourgogne, Henri de Bar, qui redoute la survenue de deux milliers de malandrins, a prescrit les mesures qui s’imposaient, et cela depuis la mi-avril. Tous les baillis ont été informés de la défaite de Brignais et sommés de renforcer leurs forteresses, d’abattre les fours et moulins, de mettre les bestiaux à l’abri… Il semble que Henri de Bar soit toujours à Chalon… Tancarville a député Guillaume d’Aigremont 140 à la Ferté-sur-Grone 141 pour enjoindre aux routiers qui s’y trouvent de faire place nette, sans quoi, il la ferait… La crainte de se trouver esseulés, sans l’appui d’aucune autre compagnie, les rendra accessibles à tous les accommodements… D’autre part, le dernier jour d’avril, Jean de Chardoigne, un chevalier bourguignon, est parti de Dijon à la Bourde-de-Reulée et à Fontaine (473) pour sommer les Bretons qui effrayent le pays de déguerpir !
    – Fin avril, Boucicaut !… Et nous sommes à mi-juin ! Ce chevaucheur a dû muser sur son chemin !
    – Non, sire… Il fut le prisonnier d’une petite herpaille. Il a pu fuir après quatre semaines…
    – Il a pu fuir !… Qu’en dites-vous, Castelreng ?
    – Je dis, sire, que s’il avait été à Brignais, jamais il ne serait parvenu à ses fins.
    – Bien ! Bien ! Je n’ai point eu la moindre intention d’offense !
    – Je sais, sire…
    – Quel dommage, vraiment, dit Jean II en s’adressant toujours à Tristan, que les nouvelles de mon royaume me parviennent si lentement !
    Et à Boucicaut :
    – Vous l’ignorez, bien sûr, puisque vous n’êtes pas toujours à Vincennes, mais n’a-t-on plus de coulons ici et à cent lieues à la ronde pour nous envoyer vivement des messages ?
    – Hélas ! Sire, ceux de Vincennes et du Louvre sont rares, à ce qu’il paraît… Et puis la misère est si grande et il y a des archers habiles… Et tellement de faucons, de gerfauts et d’autours dans le ciel… Gens et rapaces ont faim…
    – Poursuivez, Boucicaut.
    – Le 11 mai, à ce qu’il paraît, un autre chevalier – pardonnez-moi, sire, d’avoir oublié son nom – est allé demander à Lyon du Val, un coquin, de s’escamper avec ses hommes et de se rendre à Dijon pour s’y entretenir avec le gouverneur…
    – Je le connais !… Il a rendu naguère à mon fils les châteaux de Juilly et de… de… d’Oissery à condition qu’il le nomme son huissier d’armes. Or, quelques mois auparavant, il avait réuni les manants de tout un village et les avait cramés dans l’église 142 … Faudra-t-il négocier ?
    – Je le crains, sire !… Et j’ajoute qu’un chevalier, Henri Spic, dont je ne sais rien, a été nommé, je ne sais par qui, capitaine de Pontailler-sur-Saône… Or, il commande à une petite armée de Bretons sanguinaires… Les gens de cette cité les vomissent…
    – Il va falloir faire en sorte qu’ils s’en aillent… Ne peut-on les offrir à messire Guesclin ?… Ce sont gens de la même espèce et nous sommes bien aise que ce maraud nous serve… Il convient que ce Spic ou cet aspic s’en aille 143  !
    Et Jean II rit, se trouvant de l’esprit. Il ajouta tel Crésus au temps de sa splendeur :
    – Quelques bourses d’or sauront les

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