Le Pré-aux-Clercs
Misère (sans se soucier des malandrins qui y pullulaient, surtout la nuit), et vinrent s’arrêter devant un porte basse, sur les derrières du Louvre.
Le comte introduisit une clef dans la serrure et tendit la main à son garde du corps, en disant simplement, avec une grande douceur :
« À demain, chevalier. »
Dans la royale demeure, le comte traversa hâtivement une cour de service, monta et descendit des escaliers, traversa des couloirs et pénétra dans un cabinet de toilette. Un homme d’un certain âge s’y tenait enfoui dans un fauteuil. Cet homme, qui avait le costume et la mise d’un parfait gentilhomme, se leva dès qu’il vit le comte.
De Louvre se jeta dans un fauteuil placé devant une immense table de toilette encombrée de cosmétiques, de pots, de flacons et de brosses, en disant d’une voix brève :
« Vite, Griffon, je crois que je suis en retard. »
Silencieusement, le gentilhomme qui répondait à ce nom de Griffon jeta un grand peignoir sur les épaules du comte, saisit une brosse, la trempa dans une manière de pommade parfumée et se mit à frotter énergiquement la moustache ébouriffée du comte…
Et cette moustache lui resta dans la main.
Puis ce fut la figure entière qui fut lavée, frottée, essuyée, débarrassée d’une couche de fards adroitement appliqués et qui la mouillaient notablement. Et maintenant le visage du comte apparaissait tel qu’il était : celui d’un jeune homme imberbe, de dix-sept à dix-huit ans, un peu maigre, un peu pâle, d’aspect maladif. Après le visage, ce fut au tour du costume de velours et de satin, noir et blanc.
Ainsi métamorphosé, le comte repartit joyeusement d’un pas vif et léger. Après avoir traversé de nouvelles salles, il aboutit à une porte qui s’ouvrit à deux battants devant lui, tandis qu’une voix forte annonçait :
« Le roi !
Le comte de Louvre, ou pour mieux dire le roi François II, venait de pénétrer dans la chambre de la reine Marie Stuart.
Autour de la reine – deux fois reine par le titre, et surtout, reine par le charme, par la grâce, par la jeunesse, par la beauté –, se tenait un groupe de charmantes jeunes femmes qui firent la haie et s’inclinèrent devant le jeune souverain. Ce fut au milieu de cette haie de fleurs vivantes courbées devant lui que François II passa.
Il vint s’arrêter à trois pas de Marie Stuart et répondit par un salut cérémonieux à la révérence qu’elle lui adressait. En se redressant, la reine lança un coup d’œil sur ses femmes. Cela suffit : toutes plongèrent de nouveau dans de savantes révérences… et s’éclipsèrent aussitôt comme un vol froufroutant de colombes effarouchées.
Le jeune roi et la jeune reine demeurèrent immobiles à leur place, sans un mot, sans un geste, l’oreille tendue vers la porte. Quand ils furent bien certains que cette porte était fermée, que les indiscrets s’étaient éloignés, François bondit vers cette porte et poussa le verrou d’une main preste. Alors, tous deux, ils éclatèrent d’un rire d’enfants heureux, François lança joyeusement sa toque en l’air, tandis que Marie sautait follement sur place en frappant dans ses mains. Un bond les jeta dans les bras l’un de l’autre, et ils s’étreignirent amoureusement en balbutiant :
« Marie, mon cher cœur !
– François, mon doux aimé ! »
VI – APRÈS LE GUET-APENS
Beaurevers avait attendu que la porte se fût refermée sur le roi. Il demeura un moment devant cette porte, l’oreille tendue, comme s’il redoutait qu’une dernière attaque vînt assaillir, dans sa propre demeure, celui sur qui il avait si bien veillé jusque-là.
Tranquillisé par le silence qui y régnait, il poussa un soupir de soulagement, rejoignit ses quatre fidèles qui attendaient à quelques pas, et :
« C’est fini pour aujourd’hui, dit-il. Nous rentrons à la maison. »
Tous les cinq, ils se dirigèrent vers la rue Froidmantel, qui était située sur les derrières du Louvre, comme on le sait. Ils eurent vite fait d’arriver devant une maison qui avait l’apparence d’une petite forteresse, et dont le pont-levis, au premier appel, se baissa silencieusement devant eux, pour se relever de même, dès qu’ils eurent franchi le seuil de la porte : c’était l’hôtel de Nostradamus {2} .
À l’intérieur, dans un couloir sur lequel s’ouvraient plusieurs portes, Beaurevers prononça :
« Bonsoir, sacripants… Tâchez de
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