Le Pré-aux-Clercs
trois.
« C’est bien, dit brusquement Beaurevers aux deux braves qui attendaient sa décision, talons joints et raides comme les soldats de parade. Vous avez très bien rendu compte de ce que vous avez vu, compris ou deviné. Maintenant, vous trois (il désignait Bouracan, Corpodibale et Strapafar), mettez-vous là, au haut de cet escalier… et que personne ne mette les pieds sur ce palier… Vous comprenez ?… Toi, Trinquemaille, à cette fenêtre. Regarde, mais évite de te faire voir. Tu viendras nous avertir quand tu verras qu’on envahit la maison. »
À peine avait-il achevé que les quatre braves, merveilleusement dressés, occupaient les postes qu’il venait de leur indiquer.
Alors, se tournant vers Fiorinda de plus en plus attentive, adoucissant sa voix :
« Nous sommes obligés d’envahir votre logis, ma petite Fiorinda.
– Vous êtes chez vous, dit-elle très simplement, disposez de tout comme vous appartenant.
– J’ai bien peur que nous n’amenions la dévastation avec nous, dans votre petit nid… Peut-être nous verrons-nous contraints de tout démolir là-dedans.
– Et moi j’en suis à peu près certaine. Mais que cela ne vous retienne pas, monsieur. On réparera les dégâts plus tard, voilà tout. »
Ils retournèrent tous les trois dans la chambre de Fiorinda qui, avec un calme vraiment extraordinaire, faisait les honneurs de son modeste intérieur.
Cette fois, Beaurevers fermait la marche et en longeant le couloir il songeait :
« Je comprends maintenant pourquoi Rospignac avait mis si peu de monde ici. Le sacripant espérait nous prendre entre l’enclume et le marteau : pendant que nous nous serions escrimés contre ses hommes, les hommes d’armes nous seraient tombés sur le dos. Ce n’était pas mal imaginé. Seulement il aura mal calculé son affaire. Ceux d’en haut ont attaqué trop tôt… ou ceux d’en bas ont été retardés par quelque cause imprévue… Toujours est-il que nous l’avons échappé belle. »
Lorsqu’ils furent réunis tous les trois dans la chambre de la jeune fille, Beaurevers prit la parole.
« Monsieur le comte, dit-il, vous connaissez la situation. J’ai laissé exprès Trinquemaille et Strapafar bavarder tout leur soûl, à seule fin que vous fussiez complètement édifié.
– Je le suis complètement, en effet, dit François, en insistant sur les mots.
– Je vous demande maintenant : que comptez-vous faire ? »
Beaurevers aussi insistait sur ces mots.
« Je vous entends, chevalier. Mais ce serait vraiment trop simple. Vous me demandez ce que nous allons faire : nous défendre, jour de Dieu ! C’est tout indiqué. »
Une lueur de contentement passa dans l’œil clair de Beaurevers. Mais, se contraignant, d’un air froid :
« Excusez-moi si j’insiste, dit-il, la chose en vaut la peine : vous ne voulez pas que nous fassions tenir un avis à M. Griffon votre parent ? M. Griffon vous aime beaucoup et le roi aime beaucoup M. Griffon. Je suis sûr que le roi enverra quelqu’un pour nous dégager si votre parent le lui demande.
– Oh ! je ne doute pas de l’affection de mon parent, ni de la faveur toute spéciale que lui vaut son emploi de valet de confiance du roi, dit François avec un imperceptible sourire. Me conseillez-vous vraiment de m’adresser à M. Griffon ?
Sans hésiter, Beaurevers répondit :
« Oui !… Et en toute circonstance vraiment critique, comme celle dans laquelle nous nous trouvons, je vous donnerais le même conseil. »
François le considéra une seconde d’un air pensif et avec une grande douceur :
« Merci, chevalier, je n’oublierai pas la grande marque d’attachement que vous me donnez en me conseillant une démarche que je sais tout à fait contraire à votre caractère aventureux. Mais je repousse le conseil… Je me sens sous la garde de votre invincible épée et cela me suffit : je ne sais comment vous vous y prendrez, mais j’ai la ferme conviction que vous nous tirerez tous de là.
– Eh bien, tudiable ! au fond, je vous approuve !
– Voyons, qu’allons-nous faire ?
– Attendre jusqu’à la nuit, répondit tranquillement Beaurevers. Quand il aura arrêté quelques malheureux réformés bien innocents, il faudra bien que M. le lieutenant criminel se décide à retirer ses troupes… Alors nous aviserons à tirer au large. L’essentiel est de tenir jusque-là. Et, de ceci, j’en réponds.
– Et si les troupes ne sont pas
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