Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le prince des ténèbres

Le prince des ténèbres

Titel: Le prince des ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
revers de main. Ranulf remplit les gobelets. Dehors le vent s’était levé et leur apportait, mêlés à son faible gémissement, les cris lointains des créatures nocturnes qui peuplaient la sombre forêt au-delà du mur d’enceinte. Le toit de chaume craquait comme pour se lamenter sur les secrets épouvantables que recelait le prieuré. Ranulf ferma à demi les paupières, puis se leva avec un soupir et commença à ranger l’argent gagné dans une petite escarcelle de cuir.
    — Attendez !
    Le portier se mit péniblement debout.
    — Je vais vous dire un secret, mais il faudra m’accompagner.
    Ranulf accepta et, le portier éméché à ses côtés, il s’enfonça dans la nuit, une lanterne en corne à la main. La porte se referma violemment derrière eux, comme un coup de tonnerre. Le jeune homme regarda le ciel et poussa un petit grommellement. L’orage n’allait pas tarder, assurément. Les nuages s’amoncelaient et cachaient la pleine lune. Ranulf tressaillit en entendant le hululement d’une chouette et les chuintements menaçants d’autres oiseaux nocturnes. Le vent soufflait sa sourde mélopée, les feuillages s’agitaient en bruissant étrangement comme si des ombres les guettaient dans les ténèbres. Ranulf s’emmitoufla dans sa cape et s’arrêta pour contempler l’énorme masse noire du prieuré qui se détachait contre la voûte céleste. Aucune lumière n’y brillait, à présent. L’air vif le dégrisa et, sans plus dissimuler ses intentions, il se mit à interroger le portier sur ce qu’il venait de dire. L’autre esquiva les questions, mais Ranulf insista. À la fin, son interlocuteur s’écarta de lui.
    — Vous saurez tout bientôt, promit-il d’une voix pâteuse.
    Ils contournèrent les bâtiments pour gagner la porte de Galilée, Ranulf restant délibérément derrière son compagnon. Le portier se mit à manipuler son lourd trousseau de clefs en bredouillant des obscénités, et il lui fallut un certain temps pour trouver enfin la bonne. Ils s’engagèrent alors dans le sentier qui, baigné de clair de lune, courait sous la voûte des arbres comme une rivière argentée. Ils poursuivirent leur chemin jusqu’à ce que le portier tournât soudain dans un routin qui s’enfonçait dans l’obscurité et l’épaisseur de la forêt. L’endroit était sinistre, bien que le portier fût assez cocasse avec son allure hésitante et ses jurons d’ivrogne, s’arrêtant de temps à autre pour presser Ranulf et lui ordonner de tenir la lanterne plus haut ; ils parcoururent au moins trois milles avant de sortir du bois et de déboucher sur un sentier menant à un croisement.
    Ranulf leva sa lanterne et son sang se glaça dans ses veines quand il aperçut le gibet. Un corps à moitié décomposé tournait et se tordait encore dans ses chaînes. Le portier fit signe d’approcher à Ranulf.
    — Vous voulez connaître mon secret ? proposa-t-il d’une voix mal assurée.
    — Oui ! siffla le jeune homme.
    — Jurez que vous n’en direz rien !
    Ranulf leva la main droite.
    — Non, gronda le portier. Ici !
    Saisissant le jeune homme par la main, il le conduisit à la potence. Là, il fit passer de force cette main entre les chaînes jusqu’à ce que le bout des doigts touche la chair corrompue du pendu, juste au-dessus de l’endroit où battait le coeur, autrefois. Ranulf eut la nausée et crut qu’il allait rendre tout le vin qu’il avait ingurgité. Le portier, titubant à ses côtés, fit craquer et gémir le pendu dans ses fers jusqu’à ce que tous les trois parussent mener une danse macabre. Ranulf donna sa parole, mais le pire était à venir. Le portier prit son couteau, taillada le cadavre et fit une petite entaille au poignet du jeune homme. Puis il l’obligea à approcher la main de celle du supplicié. Ranulf sentit, sur sa peau, la rugosité visqueuse du cadavre comme si un immonde serpent se coulait le long de son bras. Il faillit s’évanouir de terreur, mais en maudissant Corbett et sans prêter la moindre attention aux paroles qu’il prononçait, il jura de ne jamais révéler le secret, ni dans ce bas monde, ni dans l’autre. Une fois achevée cette funèbre comédie, il recula de quelques pas. Sa jovialité habituelle avait disparu et il porta la main au poignard qui pendait à sa ceinture. Le portier, encore ivre, avait du mal à se tenir droit.
    — Écoute, mon vieux, s’écria sèchement Ranulf, j’ai prêté serment, alors maintenant,

Weitere Kostenlose Bücher