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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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hérétique, et reconnaissant le cardinal de Bourbon comme
successeur d’Henri. Qui pis est, le traité est signé par les représentants de
Philippe II.
    — Mais, m’écriai-je, c’est
trahison et rébellion ouverte !
    — Ouverte, non, dit Quéribus
avec un sourire. Vous connaissez Guise : il avance comme un chat, une
patte toujours sur le recul. Le traité est secret, ce qui veut dire qu’on le
divulgue sous le manteau. Ce n’est pas un défi au Roi. C’est une pression sur
lui.
    — Que fait le Roi ?
    — Le défi n’étant pas ouvert,
il n’a garde de le relever.
    — Est-ce tout ? dis-je,
béant.
    — Que voulez-vous qu’il fasse
d’autre ? dit Quéribus. Il cale la voile.
    — Mais, dis-je, encore très
troublé, à force de caler la voile, Henri court grand risque de se faire
aborder et expédier par le fond.
    Laissant là Quéribus et voulant
sonner le bouteselle le lendemain dès la pique du jour, j’allai dire à Angelina
de faire préparer nos bagues sans délayer, nouvelle qu’elle accueillit avec la
joie la plus vive, ayant fort langui après Paris ces six mois écoulés, Gertrude
s’encontrant en revanche bien marrie de ne la pouvoir suivre et la belle Zara
plus encore, Samson étant confit en ses bocaux et ne les pouvant quitter.
    Je trouvai Fogacer en ma librairie,
relisant le traité d’Ambroise Paré, assis sur un fauteuil qu’il affectionnait,
Silvio sur un tabouret, à ses pieds, le dos appuyé à ses genoux et ne faisant
rien d’autre que de rêver, l’œil dans le vide, cependant très attentif dès que
Fogacer ouvrait le bec.
    — Eh bien, révérend docteur
Fogacer, dis-je, ne lisez-vous point ce traité pour la dixième fois au
moins ? Qu’en êtes-vous à la fin apensé ?
    — Émerveillable pour tout ce
qui touche à l’anatomie et à la chirurgie. Mais n’apportant rien, je dis hélas
rien, sur les communes intempéries que les superstitions et les fallaces des
traditions grecques, arabes et juives. «  Cordonnier, ne critique pas
au-dessus de la chaussure ! »
    — Qu’est cela ? dit
Silvio, ouvrant grand son bel œil brun et secouant ses cheveux noirs bouclés
comme s’il se réveillait. Que vient faire là ce cordonnier ?
    — Il est fort célèbre dans
l’histoire de l’art, dit Fogacer avec un sourire. Oyez, Silvio. Le peintre
Appelle, ayant exposé dans la rue le tableau d’un homme, un cordonnier critiqua
la guise dont sa sandale était faite. Mais Appelle, ayant rhabillé le défaut,
le cordonnier, le lendemain, trouva à redire au dessin de la gambe. À quoi
Appelle, encoléré, répliqua ce que j’ai dit.
    — Vous opinez donc, dit Silvio,
que le chirurgien ne doit pas opiner au-dessus de la chirurgie ?
    — Et de l’anatomie, dis-je,
puisqu’il ne saurait couper ce qu’il ne connaît point.
    — Mi fili, dit Fogacer en posant le livre sur une table basse, et plaçant sa main
senestre sur les boucles noires de Silvio, vous n’êtes point venu céans me
parler d’Ambroise Paré, mais de votre proche départ pour Paris.
    — Comment le savez-vous ?
dis-je, béant.
    — J’ai reçu ce matin, dit
Fogacer arquant son sourcil diabolique, une lettre du marquis de Miroudot qui
m’apprend, entre autres choses, la signature du traité de Joinville entre les
Guise et Philippe II.
    — Vous connaissez donc le
marquis ? dis-je, marchant de béance en béance.
    — Ce serait le calomnier que de
dire intimement, dit Fogacer avec un petit rire. Mais vous savez bien, mi
fili, qu’en notre étrange confrérie toutes les distinctions de rang et de
fortune sont en quelque mesure abolies par la force de nos intérêts communs.
    — Passe encore pour cette
amitié, dis-je en souriant, mais quel lien établissez-vous entre le traité de
Joinville, et mon départ pour Paris ?
    — Manifeste, dit Fogacer. Mi
fili, je ne suis pas tant crédule que le baron, et pour moi, j’ai décru
depiéça votre disgrâce, voyant toute la pécune que vous dépensiez à remparer
votre seigneurie, pécune si grosse qu’elle ne pouvait vous venir que du Roi. Un
Prince graisse-t-il quelqu’un qu’il exile ? Réponds, Silvio.
    — Non, Monsieur.
    — Vous l’avez ouï, chevalier.
En outre, quand j’ai vu par la fenêtre de la librairie, votre beau muguet de
Cour paonner et piaffer, j’ai bien vu que pour faire tant l’important, il ne
pouvait que vous porter l’ordre du Roi, lequel a pour lors le plus grand besoin
de se renforcer de tous

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