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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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livrées sans combat, lesquelles furent prises par
stratagème, ou par corruption, ou d’autres éhontés moyens, à telle enseigne que
notre pauvre Roi voyait son royaume se déliter sous ses yeux en petits
morceaux. Le Guise a donné le branle en s’emparant de Châlons-sur-Marne dont il
a fait un rendez-vous pour ses gens de guerre. Après quoi, il a pris Toul et
Verdun. Son frère Mayenne a saisi Dijon, Mâcon, Auxonne. M. de La Châtre, pour
se venger d’Épernon qui lui a enlevé la capitainerie de Loches, a livré
Bourges. Les parents et complices de Guise, Elbeuf, Aumale, Mercœur, ont
soulevé la Normandie, la Picardie, la Bretagne. D’Entragues s’est assuré
d’Orléans.
    — Est-ce tout ? dis-je,
effaré.
    — Le Midi, la Dieu merci, a
tenu. L’entreprise de la Ligue a failli à Marseille et les ligueurs ont été
envoyés tout bottés au gibet. Thoulouse et Bordeaux restent aux officiers du
Roi. À l’Est, Guise n’a pas osé attaquer Metz, où d’Épernon a jeté des troupes.
Troyes, de prime saisie, s’est ressaisie.
    — Tout n’est donc pas
perdu ! criai-je, sentant l’espoir renaître.
    — Ha, Mi fili ! dit
Fogacer, arquant son sourcil diabolique, je reconnais bien là ton allègre et
bondissante humeur.
    — C’est que je pense, dis-je,
que Dieu ne permettra pas la victoire des ces méchants.
    — Deus non est, neque
diabolus [43] ,
dit Fogacer, son œil noisette étincelant.
    — Ha ! révérend docteur
médecin ! s’écria Giacomi comme effrayé, je vous en conjure, par la
Benoîte Vierge, ne parlez pas ainsi !
    — Qu’avez-vous dit,
Monsieur ? dit Silvio, lequel s’adressait invariablement à Fogacer dans
les termes de la plus grande politesse, en dépit, ou peut-être à cause, des
familiarités de leur commerce.
    — Rien qui vaille la peine
d’être répété, dit Fogacer, qui, à Silvio, à ce que j’opine, ne voulait pas
confesser son athéisme, de peur de l’en persuader et de le mettre à autant de
péril d’être brûlé qu’il l’était lui-même. Raison pour quoi, reprit-il avec un
sourire, j’ai parlé latin, langage des pédants crottés qui croassent en
Sorbonne.
    — Fogacer, dis-je, non sans
quelque aspérité que je rhabillai d’un souris, votre croassement latin n’eût
pas été du goût d’Angelina ! Laquelle vous a fait jurer de ne point dire
céans, ipsissima verba [44] .
    — Ha ! Mon Pierre !
s’écria Fogacer en rougissant, non sans un certain air naïf et désarmé, qui
tout soudain se répandit sur sa face, laquelle parut perdre incontinent son nez
aquilin, son sourcil belzébutien et sa lèvre ironique pour ressembler à celle
d’un enfantelet. Je vous en prie ! Ne lui répétez point ! Elle me
tancerait ou, pis encore, resterait tout un jour sans me vouloir parler !
    Quoi je promis en riant, et leur
faisant à tous trois quelques excusations d’être si bref à cet entretien, je
les quittai, non sans que mon Miroul, que je vis au saillir du petit cabinet,
l’épée au côtel et le chapeau sur le chef, n’obtînt de m’accompagner.
    Je courus plutôt que je marchai
jusqu’à l’hôtel de Quéribus où Angelina poussa un tel cri de liesse à me voir
et me couvrit de tant de poutounes que, les lui rendant sans chicheté, je me
sentis en mon for à la fois le plus heureux des hommes et le plus traître Judas
Iscariote qui eût jamais rampé sur la surface de la terre. Ah ! Certes, je
sais bien que ce genre de sentiment n’est plus guère à la mode qui trotte en
Paris, ni à la Cour. Mais, tout muguet qu’Alizon me moque d’être, je ne le suis
qu’en mon apparence, pour ce que demeurent en moi, tout ensemble, un provincial
et un huguenot.
    Cependant, je m’arrachai bientôt à
Angelina, à Catherine et à Quéribus à qui je fis de grands mercis pour son
escorte, tant j’avais hâte de voir le Roi et de lui rapporter l’heureuse
faillite de la Ligue en Boulogne. Mais Quéribus, m’ayant fait observer que je
ne pouvais me présenter au Roi tout sale et suant que j’étais, Sa Majesté ayant
la narine si délicate, me fit préparer une cuve à baigner où deux de ses
chambrières me raclèrent et m’approprièrent, tandis qu’une troisième me lava,
me sécha et me testonna le cheveu. Quoi fait, Quéribus renvoya les drolettes et
m’apporta lui-même un de ses somptueux pourpoints et les chausses en camaïeu, disant
que si je ne les voulais endosser, il se fâcherait à jamais avec moi, qui
devais

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