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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Henriette, et lui au Roi, et moi, à la
bonne ville de Boulogne, et lui, par irrision, au prévôt Vétus, et moi, par
gausserie, au Duc d’Aumale, et lui, au Guise, et moi aux jésuites qui avaient
machiné ce vilain coup, par bonheur failli, tant est que vers les minuit, on se
sépara fort contents l’un de l’autre, et fort branlant sur les gambes, du moins
lui et moi, car les dames n’avaient que béqué là où nous avions lampé, tant est
que Alizon m’aida à trébucher jusqu’à la Nef d’Or et à monter le viret
pour gagner notre chambre, et là, comme je m’affalais sur le lit, quasi privé
de connaissance, elle me dévêtit.
    Je me réveillai au matin, tant
fraîchelet que bachelette, mais à me ramentevoir le carouse de la veille, je me
sentis fort vergogné de m’être enivré pour la première et, Dieu m’entende à qui
j’en fis tout de gob le solennel serment, l’ultime fois de ma vie. Mais
observant chez ma petite mouche d’enfer un je ne sais quel air de malicieux
triomphe, et en lui demandant la raison, j’appris d’elle que je l’avais dans la
nuit besognée tout mon soûl, et tout le sien.
    Ma vergogne à ouïr cette nouvelle
fut telle que je restai sans voix et comme stupide. Je crois que si j’avais été
papiste de cœur autant que je l’étais de bouche, je me serais incontinent rué
au confessionnal pour me laver de ce damnable péché, car pour tel assurément je
tiens l’adultère, encore que le siècle cligne doucement des yeux sur cette
faute-là quand les hommes la commettent, réservant aux femmes ses foudres.
Mais, étant demeuré huguenot en mon intime for, je sentis qu’il fallait que je
m’arrangeasse du mieux, ou du moins mal, que je pouvais, avec cette faiblesse
en laquelle l’affront aux lois du Seigneur me paraissait, à vrai dire, moins
grave et griève que celui que j’avais fait à mon Angelina dont les beaux yeux
de biche et le regard suave se présentant alors à mon pensement avec une
étrange force, ma conscience tant me poigna et me remordit qu’à peu que je ne
versasse des pleurs.
    Ma pauvre Alizon vit d’un coup d’œil
l’étendue de mes affres et me voulant consoler, tant bénigne et affectionnée
elle était, mais n’osant cependant ni me prendre dans ses bras ni même
m’approcher, me dit qu’il ne me fallait pas si rudement donner la discipline,
qu’avant tout il en allait de sa faute à elle qui n’avait point consenti à
s’ensommeiller en sa chambre sous le prétexte d’une souris, par ce qu’elle
était, à la vérité, si friande de s’endormir en mes bras et que, de reste,
ayant de moi tant d’appétit, c’était quasi tenter le diable que de jouer avec
elle les maris sans les vouloir jouer tout à plein. Et qu’enfin, tout ce que
j’en avais fait, l’avait été pour le service du Roi, et qu’ainsi je me devais
adoucir la conscience de cette excuse-là, comme aussi du fait de mon vin,
lequel m’avait ôté tout ensemble la volonté et la connaissance.
    — Ha ! Mon Alizon !
dis-je, que bonne et bénigne tu es de tout prendre sur toi et de me vouloir
conforter. Mais qui ne voit que je me suis de prime, et de mon propre chef, mis
un bandeau sur l’œil pour non pas voir où ce voyage avec toi m’amenait, sous
couleur du service du Roi ! et de la déguisure ! et du rollet du
mari ! et de l’ivrogneté ! Tromperies de moi par moi-même que tout
cela ! Par lesquelles je me suis chattemitement caché où j’avais désir de
prime à en venir !
    — Ha ! Mon Pierre !
s’écria Alizon au comble de la joie, je le savais ! Tu le voulais
aussi ! Encore que tu jouasses tant avec moi le roide et le vertueux,
huguenot que tu es !
    À quoi elle rit tout soudain.
    — Mais, mon Pierre, reprit-elle
en se jetant dans mes bras et s’y ococoulant tandis que je l’y serrais, ne me
dois-tu pas un peu de ta vie, à moi qui te l’ai deux fois gardée ? Et ne
sens-tu pas quelque obligation d’amitié à accommoder mon affection pour toi ?
Au moins le temps que nous jouerons sur le chemin le rollet que tu sais !
Ne peux-je être ta femme encore dans les banlieues et faubourgs de ta
vie ? Notre rollet cessant, je le jure et promets, aux portes de la
capitale !
    C’était bien dit, et du bon du cœur,
et habilement, et d’aucuns confesseurs n’y eussent pu contredire qui disent que
pécher une fois, ou dix, c’est tout un. Tant est que le vin tiré, il ne reste
plus au pécheur qu’à le boire ! Sophisme

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