Le Prince Que Voilà
la priai de répéter
ses propres questions, ne lui ayant posé la mienne que pour me donner le temps
de méditer mes réponses.
— Pour Mundane, dis-je enfin,
je ne vais point vous satisfaire prou. Je ne sais ni qui il était ni d’où il
venait. C’est le Roi qui me commanda de le mettre dans ma suite, et de l’aider.
Raison pour quoi le quidam m’ayant requis à Pamiers de le faire encontrer le
Roi de Navarre, j’y parvins par le moyen de mon père.
— Lequel est huguenot, dit-elle,
et vous, Monsieur ?
— Pour moi, dis-je, comme bien
vous savez, Madame, j’ois la messe et vais à confession.
— De bouche ou de cœur ?
— Ha ! Madame !
dis-je d’un ton fort roide en me levant, cette inquisition est
insufférable ! C’est à mon confesseur, et non à vous, à me poser cette
question !
— Rasseyez-vous, mon cousin,
dit-elle en souriant pour la première fois. Si cette question vous offense, je
la retire, tant je suis satisfaite que vous m’ayez dit de votre propre chef que
Mundane avait encontré Navarre par votre père. Ce que, de reste, bien nous
savions.
Ce que, de reste, bien me
doutais : sans cela, comment les Guise auraient-ils su l’existence de la
lettre et l’importance qu’il lui fallait attacher ? Raison aussi de la
contrefeinte franchise dont elle me donnait louange.
— Et à qui, dit-elle, cette
lettre était-elle destinée ?
— Elle ne comportait pas
d’inscription, dis-je, mentant effrontément, mon œil bleu transparent fiché en
le sien.
— Et à qui l’avez-vous
remise ?
— Au Roi, gageant qu’elle devait
être de grande conséquence pour qu’on tuât un homme pour elle, et qu’on
attentât d’en tuer un second, le pli remis.
À quoi, sans battre un cil, M lle de La Vasselière me dit du ton le plus uni :
— Vous aviez été, par malheur,
le témoin d’une meurtrerie qui eût pu inculper mon amie la plus proche, et
moi-même, puisque vous ne pouviez que vous n’appreniez mon nom, vivant
coutumièrement à la Cour.
— Madame, dis-je en levant le
sourcil, vous m’étonnez ! Le Roi eût-il osé faire un procès à la cousine
du Duc de Guise ?
— Je m’en suis avisée depuis.
Raison pour quoi l’attentement contre vous n’a pas été renouvelé. D’autant,
Monsieur mon cousin, que votre lettre à moi adressée vous montrait plus pliable
à nos volontés que je n’aurais cru, libérant votre prisonnier, renonçant à
incriminer le majordome de cet hôtel, lequel, n’étant point noble, eût pu être
pendu. À vrai dire, peu me chalait sa vie. Mais prou, l’affront que sa mort eût
fait à notre maison.
— Ha Madame ! m’écriai-je,
donnant toutes les apparences d’être emporté par ma propre franchise, que
n’ai-je su plus tôt vos bonnes dispositions ! Elles m’auraient épargné mon
volontaire exil !
— Volontaire, Monsieur !
dit La Vasselière, vous n’y avez donc pas été contraint par la disgrâce
royale ?
— Pas autant que je l’ai
prétendu, dis-je, contrefeignant quelque confusion, pour ce que je me voulais
alors protéger de vous. Je départis de mon chef, et il est bien vrai qu’à mon
département, le Roi me montra quelque froidure, pour ce qu’il eût voulu que je
continuasse au Duc d’Épernon mes bonnes curations.
— Monsieur mon cousin, dit La
Vasselière en se levant, je suis charmée que vous vous mettiez tant à l’ouvert
avec moi que de me dire la vérité sur votre exil, dont nous n’ignorions point,
en effet, qu’il était contrefeint, les trésoriers du Roi vous ayant versé deux
mille écus, la veille du jour où vous quittâtes Paris.
Ha ! pensai-je, ces guisards
ont des oreilles partout ! Je fus donc bien avisé de lâcher du fil. Comme
dit mon Henri, le mensonge le plus dextre et le plus machiavélien est celui-là
qui se rapproche le plus de la vérité.
— Madame, dis-je en
l’envisageant œil à œil, je suis moi-même ravi que vous me soyez devenue plus
amicale.
— Amicale ? dit-elle en
haussant le sourcil, je ne le serai dans le fait, Monsieur, que si vous avez
l’heur de plaire à M me de Montpensier, laquelle est pour vous
recevoir, après que vous avez céans attendu un petit.
Sur quoi, me faisant une brève
inclinaison du chef, elle me quitta, me laissant ébahi de la hautesse de cette
froidureuse garce, laquelle, pour servir Guise, n’avait pas hésité à se
prostituer ès auberge à un gentilhomme anglais, à le daguer ensuite de ses
mains,
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