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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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vinaigre et piquante que moutarde.
    — C’est Franz, Madame la
Duchesse, dit le laquais. Je vous amène le chevalier de Siorac.
    — Et tu as osé de toussir en ma
présence, rustaud ? hucha la duchesse de Montpensier, sa voix montant
terriblement vers le criard. Requiers sur l’heure le majordome de te bailler
pour moi dix coups de fouet !
    — Madame la Duchesse ! dit
Franz comme indigné, j’ai seulement toussu ! je n’ai pas dit, moi, que
vous viviez en bauge !
    — Tu ne l’as pas dit, maraud,
mais tu l’as ouï ! Et pour châtier ton indiscrète oreille, requiers le
majordome de te bailler dix coups de plus !
    — Oui, Madame la Duchesse, dit
Franz, rouge comme écrevisse en eau bouillante, lequel, ayant fait à la custode
un salut profond (mais à ce que je m’apensai, plein de muette rage), saillit à
reculons de la chambre.
    — Frédérique, dit la voix
derrière la custode, qu’es-tu apensée du chevalier de Siorac, considérant que
tu le vois ?
    — Il n’est pas fort grand, mais
bien fait, dit Frédérique, laquelle s’approchant de moi, m’envisagea de près
comme taureau qu’elle eût voulu à la foire acheter. Au surcroît, l’œil
bleu-gris, le cheveu blond avec un peu de gris aux tempes, le teint frais et à
ce que je pense, poursuivit-elle en me tâtant le bras, musculeux assez. En bref,
Madame, c’est un galant, et l’œil très fiché sur le tétin des dames.
    — Tu veux dire, sur le tien,
dit aigrement la voix, lequel tu montres assez pour tirer le regard.
    — Ha ! Madame ! Pas
plus que n’est commandé par la mode qui trotte !
    — C’est assez jasé,
friponne ! Mène le chevalier par la main jusqu’à ma ruelle. Et prends
garde qu’il ne mette le pied sur mes affiquets. Il les gâterait tout à
trac !
    La curiosité, en mon for,
l’emportant alors sur les sentiments angoissés que j’avais nourris depuis mon
entrée en cet antre, j’avais grand appétit, n’ayant ouï jusque-là que sa voix,
à voir de mes yeux la fameuse frénétique duchesse, laquelle était à Paris la
prime et principale ennemie de mon Roi, y ayant façonné de par les prédicateurs
à sa solde, une sorte de contre-pouvoir assis sur la populace, rassemblant
autour d’elle au surplus une contre-cour, faite d’un ramassis de seigneurs
endettés (parfois fort hauts) ou disgraciés, ou mal contents, ou ambitieux, et
de dames de même farine, dont elle tirait les fils pour la plus grande gloire
de son frère et le plus grand dommage et détriment de mon pauvre maître –
l’étonnant en tout cela étant encore que cette brouillonne trouvât le temps,
tout occupée qu’elle fût à ses infinies brouilleries, de courir des intrigues
également infinies, étant de ce côtel, selon la rumeur, aussi inlassable
qu’irrassasiable.
    Je trouvai la duchesse non pas
couchée, mais à demi assise sur sa coite, un amas d’oreillers lui redressant le
dos, les custodes étant tirées tout autour de son lit, encore qu’il fût
quasiment midi et sa chambre fort claire, un chandelier à huit branches posé
sur une table de chevet l’éclairant à plein, et ce qui me frappa de prime, fort
dépoitraillée, étant vêtue, ou plutôt dévêtue, d’une robe de nuit large ouverte
sur le devant du corps, lequel ne me parut point gâté par l’âge, encore qu’elle
eût passé ce seuil des trente ans au-delà duquel, en nos climats, une femme
n’est plus réputée être jeune, le tétin nullement affaissé, combien qu’il ne
fût pas aussi arrogant que celui de Frédérique, la peau blanche, la face lisse
assez, à ce que j’en pus juger, ne la voyant qu’à l’éclat flatteur des
chandelles, l’œil bleu fort vif, le cheveu blond abondant, épandu en mèches
folles sur ses épaules, lesquelles étaient agréablement rondies, la bouche
large, les lèvres fortes et les dents point trop belles, à ce que je pus voir.
Et quant à la mine, rien de la hautesse de La Vasselière, mais une sorte de
tranquille assurance de soi, comme si, étant la sœur du futur Roi de ce royaume,
elle disposait de la vie et de la mort des Français naturels aussi légitimement
que du dos de son pauvre laquais.
    J’eus tout le temps de l’envisager,
ou plutôt de la contre-envisager (encore qu’avec un apparent respect) pour ce
qu’à mon entrée en sa ruelle, elle me considérât un long temps (la plume en
suspens au bout de sa dextre, étant à son écritoire, écrivant sur ses genoux,
la coite autour

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