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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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et à rober mon cheval.
     
     
    Mon attente, loin d’être petite,
dura bien une grosse heure, et me donna ample loisir de méditer sur le péril où
j’étais, m’encontrant ès mains de ces ménades qui faisaient autant de cas de la
vie d’un homme que leur chat de celle d’un souriceau, et qui, vous appelant
« Monsieur mon cousin », vous eussent fait jeter, à la nuitée, en un
sac en la rivière de Seine sur le bord de laquelle leur hôtel si commodément se
dressait. Tant le zèle pour la religion excuse de crimes en cet étrange
siècle !
    Après m’avoir fait un long temps
morfondre et moisir dans la plus mortelle inquiétude, et lecteur, tu peux bien
penser que ce sentiment eût été plus accablant encore, si j’avais pu savoir
alors le sort que réservaient les Guise au capitaine Le Pierre – le même
grand laquais me vint quérir pour m’introduire auprès de sa maîtresse,
laquelle, à en juger par la belle attifure de sa parente, je m’attendais à voir
paraître dans l’appareil quasi royal qui convenait à la sœur d’un Duc qui
aspirait au trône. Mais, bien loin de me conduire en un grand salon où j’eusse
vu la duchesse entourée de sa petite cour, on me mena dans une chambre où je ne
vis rien d’abord qu’un grand lit doré dont les custodes, lesquelles étaient du
plus beau brocart blanc et or, avaient été tirées, me dérobant la vue de celle
qui occupait la coite, mais dont j’oyais la voix, pour ce qu’elle était pour
l’heure occupée à gourmander sa gouvernante (ou chambrière, je ne sais)
laquelle s’affairait à mettre quelque ordonnance dans la pièce, celle-ci étant
jonchée d’un bout à l’autre de vêtures, de chaussures et autres féminins
affiquets.
    — Si suis-je bien assurée,
disait aigrement la voix, que c’est toi, Frédérique, et nulle autre, qui as
égaré le brouillon de la lettre d’Henri à Philippe, laquelle j’avais encore
hier en mes mains.
    — Madame, dit Frédérique,
laquelle à ce que j’imaginais, devait être lorraine, pour ce qu’elle était
grande, l’œil bleu, le cheveu paille, et fort robuste, ayant l’épaule large et
un tétin plus muscle que chair, et gros assez pour saillir hors sa basquine,
Madame, cela ne se peut ! Je ne touche jà à vos papiers ! Ayant assez
à faire à ranger vos parures qu’une chienne n’y retrouverait pas ses
chiots ! Tant est que cette pièce, si je n’y mettais bon ordre,
ressemblerait davantage à une bauge qu’à la chambre d’une Princesse.
    — Oui-dà, niquedouille !
dit la voix montant dans l’aigu, tu as bon bec, ce me semble ! Mais tu
hucherais d’un autre ton, si je te faisais fouetter devant tout le domestique
pour tes impertinences ! Bauge ! Suis-je laie de sanglier pour vivre
en bauge !
    — Madame, dit Frédérique sans
battre un cil, ni cesser son rangement, vous êtes assurément la plus belle
Princesse de l’univers, mais le diable m’étouffe si vous n’êtes pas aussi la
plus désordonnée ! Et vous ne devriez pas me tancer pour la perte du
brouillon de Monseigneur le Duc, lequel, je parle du brouillon, vous avez dû
mettre à la corbeille sans y penser. Ce qui fait qu’à cette heure il sera
brûlé.
    — Et pourquoi brûlé,
coquefredouille ?
    — Pour ce que, dit Frédérique
en tapant du plat de la dextre sur son dur tétin lorrain, vous m’avez commandé
cent fois le matin de brûler les papiers de la corbeille ! Cent fois, foi
de Frédérique ! (elle se toqua à nouveau). Et que la Benoîte Vierge et son
divin fils me foudroient si je mens !
    — C’est toi, sottarde, hucha la
voix de la duchesse derrière la custode, c’est toi qui as jeté ce brouillon à
la corbeille ! Brouillon que je voulais garder pour ce qu’il était de la
main même de mon frère bien-aimé ! Lequel brouillon est à cette heure
lamentablement brûlé, bâtarde que tu es !
    — Bâtarde ne suis, dit
Frédérique, en se redressant, fort piquée, les deux mains sur les hanches, et
son tétin fort saillant en son généreux courroux. Je connais fort bien, et mon
père et ma mère, lesquels étaient laboureurs étoffés au plat pays de Metz. Et
vous savez fort bien, Madame, qu’à la Cour, il y a je ne sais combien de
seigneurs et de hautes dames qui ne pourraient en dire autant !
    À quoi le grand faquin de laquais,
se peut impatienté par cette longue béquetade, présuma de toussir.
    — Qui est là ? dit la voix
de la duchesse, aussi aigre que

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