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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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silence, voilà tout le suc de
l’affaire et sa substance, en une seule phrase révélés. Elizabeth veut être
assurée de la neutralité d’Henri, si Marie est condamnée. Or, lecteur, j’avais
mille raisons de croire que le Roi nourrissait fort peu de tendresse pour cette
Princesse – lorraine par sa mère, parente des Guise, papiste frénétique,
idole de la Ligue, amie de ses pires ennemis – et qu’au demeurant le Roi
avait trop à faire sur le sol français avec Guise et Navarre, pour rien tenter
outre-Manche. Mais je m’avisai aussi que j’avais quelque intérêt à ne pas
livrer tout de gob ces informations, car elles touchaient justement au nœud du
barguin que ces belles et dextres politiques voulaient conclure avec moi.
    — My Lady, dis-je enfin, d’un
ton fort circonspect, voilà une question qu’il faudrait que je quiers du Roi
pour être assuré de sa réponse.
    — Eh bien, Monsieur le
Chevalier, dit my Lady Stafford avec une sorte d’ébulliente gaîté dans la voix
et dans le regard qui me donna à penser qu’elle était contente de notre
entretien, faisons ensemble, s’il vous plaît, quelques suppositions. Supposons
que le Roi vous réponde dans le sens que nous voulons ; qu’il désire le
faire savoir de bec à oreille à notre Reine ; qu’il vous dépêche à cette
fin à Londres dans la suite de M. de Bellièvre ; que la Reine, après le
prêche dudit ambassadeur, vous voie en secret et qu’elle tienne de votre bouche
ces assurances que j’ai dites. Ne croyez-vous pas que vous serez en position de
bien servir, et votre Roi, et ma Reine, et les privés intérêts que vous pouvez
avoir en cette affaire.
    — My Lady, dis-je, cela fait
beaucoup de « si ».
    — Mais qui tous reposent sur le
premier. Si donc, Monsieur, le Roi vous envoie à Londres, cela voudra dire que
le premier « si » ayant passé dans les faits, les autres ne pourront
qu’ils ne viennent pas à sa queue ! Monsieur, avant que de départir pour
Londres, mandez-le-moi, je vous prie, chez la maréchale de Joyeuse où, à dater
de ce jour, j’irai m’ennuyer toutes les après-midi.
    Quoi dit, elle me tendit sa main
dégantée que je saisis sans la baiser, envisageant my Lady Stafford avec
délices comme si mon esprit, étant de présent désalourdi de cette grave
affaire, se trouvait libre assez pour admirer son émerveillable chevelure d’un
roux vénitien, ses yeux pers tout ensemble impérieux et doux, ses traits
ciselés, son teint d’un rose éblouissant et la fort jolie moue de ses lèvres
dont mon œil ne se pouvait détacher.
    — My Lady, dis-je à la parfin,
peux-je dire, en tout respect et soumission à votre seigneurie, que ce n’est
pas en cette guise qu’elle a donné congé à son humble serviteur la dernière
fois qu’il eut l’honneur de se trouver à ses côtés en cette même coche ?
    À quoi, my Lady Stafford ouvrit tout
grands les yeux et parut osciller entre la colère et l’amusement, et si ce
dernier l’emporta, ce fut, comme j’y comptais bien, pour ce qu’elle
s’encontrait en Paris et que j’étais français.
    — O, you Frenchman ! s’écria-t-elle enfin en prenant le parti de rire ; Jane ! poursuivit-elle en prenant sa dame d’atour à témoin de mon abyssale impudence, Jane, have you heard ? The man is asking
for a kiss ! How impertinent ! How
mad ! How French [47]  !
    — My Lady, dit Jane en
souriant, after all, the man is wellborn. He’s the son of a baron. And I have
heard it say that his mother came from a very ancient family. And you know, her
Majesty herself is very sweet to her servants, nicknames, pats and teases her
ministers, and goes so far as to kiss old Walsingham, who, to my mind, is remarkably
ugly [48] .
    Tout ceci fut dit devant moi comme
si l’anglais avait été de moi tout à plein déconnu, la disputation durant dix
grosses minutes entre la Comtesse et sa dame, lesquelles pesèrent, à leurs
fines balances, le pour et le contre, le contre n’étant pas la morale, mais
l’étiquette ; et le pour, primo  : le précédent du baiser que
my Lady m’avait donné de soi lors de notre dernière encontre en sa coche. Secundo : l’ancienneté de ma famille maternelle. Tertio  :
les familiarités de la Reine Elizabeth à l’égard de ses plus fidèles sujets. Quarto : le fait que le baiser serait donné hors le royaume
d’Angleterre et en Paris, à un Français naturel.
    À la parfin, le pour l’emporta,
étant

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