Le Prince Que Voilà
porte
dérobée veux-tu pratiquer céans, toutes nos ouvertures donnant sur la rue du
Champ Fleuri ?
— Moussu ! dit Miroul en
portant très haut la crête, je me suis toujours apensé que ce que vous tenez à
plus grand défaut chez moi, à savoir que je muse, est ma plus rare qualité.
— Voyons cela !
— Ayant observé que nos voisins
de dextre de la rue du Champ Fleuri n’avaient point de porte cochère sur notre
rue, je m’avisai qu’ils devaient en avoir une sur leurs arrières, à savoir sur
la rue du Chantre, laquelle est parallèle à celle-ci. Et un jour que vous
m’envoyâtes faire en Paris, le « vas-y-dire », tâche fort en dessous
de mon état, mais à laquelle j’ai la faiblesse de consentir, je pris sur moi
d’aller muser en la rue du Chantre et vérifiai que la cour et écurie dudit
voisin, comme bien je croyais, s’ouvrent dans ladite rue.
— Lequel voisin toutefois, dis-je,
étant un fieffé ligueux, ne nous permettra assurément pas de fuir, dans les
occasions, par sa maison et sa cour.
— Lequel voisin, pourtant, dit
Miroul, se trouvant vieil et mal allant, n’aspire qu’à sa retraite champêtre et
veut vendre de présent sa maison de ville.
— Ah ! Miroul !
dis-je, tu es mon œil et mon ouïe ! Et quasi aussi précieux que l’un et
l’autre ! Comment as-tu appris ceci ?
— Mais, Moussu, en
musant !
M’ayant assené ce coup, Miroul
s’accoisa, la paupière baissée, un demi-souris errant sur les lèvres et l’air
modeste d’un homme qui voit son mérite à la parfin reconnu.
— Poursuis, Miroul, dis-je
gravement, mais en mon for ébaudi assez de son astuce, encore qu’elle eût à mes
dépens joué.
— Vous avez là une fort bonne
usance, dit Miroul, de vos dix mille écus. Achetez en sous-main la maison du
voisin. Mettez-y Giacomi, et par un maçon, non de Paris mais de vos villages,
faites pratiquer une porte secrète entre les deux logis.
— Ha, Miroul ! dis-je,
c’est bien pensé ! Tu m’es davantage un mentor qu’un secrétaire ! Et
je te sais un gré infini d’avoir l’œil tant ouvert que ta langue est pendue.
D’ores en avant, je le gage et jure, tu pourras muser tout ton soûl : je
n’y contrarierai plus. Et le seul tabustement que tu en auras viendra de ta
Florine.
— Que c’est déjà bien assez de
celui-là ! dit Miroul.
Ce soir-là, nous eûmes à souper
Quéribus et Catherine, et sachant que celle-ci, même à visiter ses proches, se
mettrait en ses plus beaux atours, je quis mon Angelina de se bien parer, et de
se mettre autour du col son pendentif de diamants, lequel fut fort admiré, et
de Quéribus, et de Catherine, dont je vis bien, à l’œil parlant qu’elle jeta au
baron, qu’il lui faudrait assez vite quelque petite personnelle compensation à
ce splendide joyau.
— Le Roi, dit Quéribus après
que nous eûmes glouti, est libéral au-delà de tous les rois dont l’histoire a
gardé le souvenir. Il ressent une quasi irrésistible impulsion à donner ce
qu’il a, impulsion que d’aucuns tiennent à étrangeté, mais que je trouve, quant
à ma personne, émerveillable et rare. Je me ramentois, quand j’étais avec lui
en Pologne…
— Loin de moi, dit Catherine.
— Hélas ! Loin de vous, ma
mie ! dit Quéribus, et fort désespéré de l’être, et ne sachant encore si
le baron de Mespech me baillerait votre belle main !
— Monsieur, dit Catherine, vous
dites toujours ce qui m’est plaisant à ouïr. Et quant à moi, croyant que les
actes ne laissent pas que de venir à la queue des paroles, j’espère bien que je
serai toujours la seule, et dans votre cœur, et sur votre coite.
— Madame mon épouse, dit
Quéribus qui rougit quelque peu, me sembla-t-il, à cette réticente fiance, vous
n’en pouvez assurément douter. Ce serait douter de ma foi ! Mais je
poursuis. Quand Henri fut couronné Roi de Pologne, selon la coutume du lieu à
Cracovie dedans l’église Saint-Stanislas, et tandis que se déroulaient les
interminables rites et cérémonies, Henri, vêtu de ses lourdes robes d’apparat
et attendant sur un trône d’être oint et de recevoir le sceptre et le globe,
vit ses turbulents et magnifiques sujets placer devant lui de riches vases d’or
emplis jusqu’à déborder d’écus frappés à son effigie – don du peuple
polonais au Roi qui leur venait de France. Lesquels vases envisageant,
n’entendant pas un mot de ce qui se disait autour de lui en une langue
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