Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
la
stridente haine que se vouaient les deux hommes, lesquels aspiraient tous deux,
non point certes à l’amitié, mais à la mort l’un de l’autre, le Guise tenant
l’archimignon pour le plus fidèle soutien du trône qu’il voulait vaquer, et
Épernon tenant le Guise pour l’archi-ennemi de son Roi.
    Cependant, le Roi n’eut pas plus tôt
exprimé le désir de les voir s’accommoder qu’Épernon se leva et vint vers le
Duc et le confronta, le visage amical et riant, le Guise lui rendant ses
sourires. Spectacle étrange assurément que ces deux grands félins rentrant tout
soudain leurs griffes et se faisant patte de velours d’un air si doux et si
benoît !
    — Monseigneur, dit le Duc
d’Épernon en s’inclinant, je requiers de vous l’honneur d’être votre plus
humble, plus proche et plus dévoué serviteur.
    — Monsieur le Duc, dit le
Prince – qui, tout miel et nectar qu’il fût, ne voulut pas cependant
condescendre à appeler l’archimignon « Monseigneur », pour ce qu’il
le réputait, ou affectait de le réputer, un parvenu d’extraction fort basse, la
Montpensier ayant fait prêcher par ses prêchereaux la fable qu’il était
petit-fils de notaire, et non point descendant de Nogaret, comme il le
prétendait – Monsieur le Duc, je requiers de vous même honneur, et n’ai
d’appétit qu’à vous bien servir.
    — Monseigneur, poursuivit
Épernon, pour ce que je ne vois rien de plus grand ni de plus noble que vous en
ce royaume, je vous supplie de disposer de ma personne et de mes biens, comme
s’ils étaient à vous.
    — Monsieur le Duc, les miens
sont pareillement les vôtres pour la simple demande d’yceux et je vous supplie
d’user du peu de crédit que je possède en cet État, comme vous l’entendez.
    — Monseigneur, dit Épernon, il
n’est pas d’office d’amitié que je ne sois, pour ma part, disposé à vous rendre,
pour peu que vous ayez la bénignité de les quérir de moi.
    — Monsieur le Duc, je n’y
faillirai pas. Comme vous de moi, je vous en supplie instamment. J’en userai de
vous comme d’un frère, plus uni à moi que les deux doigts de la main.
    — Monseigneur, à la vérité, je
vous mets si haut au-dessus de tous les grands de ce royaume que, quoi que vous
m’ordonniez pour le bien du Roi, je ferai sur l’heure votre commandement.
    — Monsieur le Duc, dit Guise
qui parut flairer là quelque degré d’irrision, je ferai assurément le vôtre.
    — Monseigneur, vous me comblez.
Souffrirez-vous que je vous embrasse ?
    — Monsieur le Duc, l’honneur et
le bonheur seront les miens de cet embrassement.
    Sur quoi, nos deux grands tigres se
contreposant les pattes autour du cou (qu’ils se fussent si volontiers ouvert
d’un coup de dent) se donnèrent une brassée si longue, si forte et si
affectionnée, avec tant de toquements, de palpements de dos et tant de baisers
sur leurs joues amicales, en bref, se caressèrent si fort l’un l’autre que vous
eussiez cru qu’ils étaient les plus grands amis du monde et qu’il fallut que le
Roi (que ce spectacle paraissait ébaudir en son for) les déprît l’un de l’autre
à la parfin, disant que son Conseil les espérait tous trois depuis une grosse
demi-heure.
    Lecteur, si, Français naturel, tu
n’as pas la rare fortune de vivre en Paris, ce que les Parisiens qui se
paonnent à l’infini de leur belle ville tiennent sottement à opprobre, tu ne
connais point ce populaire jeu que jouent sur le pavé de la capitale les galapians
des rues : l’un d’eux, orné d’une couronne de carton, d’un sceptre en
bois, d’un globe fait de chiffons et d’une grande guenille qui tient place
d’hermine, siège gravement sur une borne, contrefaisant le Roi, tandis que tour
à tour s’approchent de lui ses « sujets », drolissous comme lui,
morveux et crottés – lesquels, génuflexant, l’appellent « Sire »
ou « Votre Majesté » et le décorent de titres magnifiques, encore que
chacun à chaque fois, au départir, lui robe un de ses ornements, qui sa
couronne, qui son sceptre, qui son globe, qui son grand manteau. Tant est qu’à
la fin des fins, le pauvre souverain, tout honoré qu’il soit, se retrouve tout
nu.
    Ce manège, que j’ai souvent observé
aux carrefours quand je chemine de mon logis du Champ Fleuri jusqu’au Louvre et
dont nos petits gambadeux sont à plein raffolés, se nomme «  la farce du
Roi dépouillé ».
    Or, lecteur, ce mardi
7 juillet, le

Weitere Kostenlose Bücher