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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Roi s’apprêtant à monter à cheval pour regagner Paris sa
bonne ville (laquelle hélas, ne lui est pas si bonne, les prêchereaux et les
ligueux l’ayant dressée contre lui), le Duc de Guise, lui venant demander son
congé, lui baisa les mains quasiment à deux genoux, lui faisant d’infinies
soumissions et révérences, et de grandes et répétées protestations de son zèle
à le servir, et de l’obéissance, sujétion et fidélité que ceux de la Ligue et
lui-même lui avaient toujours montrées et lui montreraient à jamais :
compliments que tous les présents, dont j’étais, s’accordèrent à trouver
outrés, et dans leur outrance quasiment injurieux, mais que le Roi souffrit,
sans dire mot que courtois, d’un air bénin.
    Cependant, le Duc départi avec sa
suite (presque royale jà en son nombre, équipage et splendeur), Épernon,
sourcillant, dit au Roi, la main sur la poignée de sa dague :
    — À quoi joue le Duc ?
    — Ne le savez-vous pas ?
dit Henri les dents serrées, il joue la farce du Roi dépouillé.
    Et tandis qu’un brillement passait
dans son œil noir, il ajouta à voix basse ces deux mots qu’on sait bien que
j’ai, et que nous avons, toutes les raisons du monde de nous ramentevoir :
    — Mais patience…
    Après quoi, il comprima les lèvres,
comme s’il regrettait d’en avoir jà trop dit et, se tournant vers les
gentilshommes de sa suite, cria à voix haute et claire :
    — Messieurs, le
boute-selle !
     
     
    Nous advînmes à la nuitée en Paris
et prenant congé de Sa Majesté, je me hâtai vers mon logis avec mon Miroul,
l’obscurité rendant, comme on sait, les rues peu sûres en Paris et, parvenu à
mon huis, me trouvai content d’apercevoir à la fenêtre de l’Aiguillerie, Mérigot,
guettant fidèlement mon retour avant que de s’aller coucher.
    Le logis était tout endormi déjà et
gagnant mes appartements, et n’y voyant pas luire la chandelle, je jugeai que
mon Angelina s’était ensommeillée et pour non point la contretroubler, me déshabillai
dans un petit cabinet attenant où je n’allumai qu’un calel. Après quoi,
revenant avec lui dans ma chambre, je me glissai dans les draps où je trouvai
le corps tiède et poli de mon aimée, prenant garde toutefois de ne le pas trop
presser pour non pas rompre son repos, et poussant un petit cri d’aise à
m’encontrer derechef, après ces chevauchées et ces lassitudes, en cette couche
où ne m’était jamais rien advenu que de très suave et de très délicieux,
j’étais pour souffler la flamicule du calel, quand je me figeai comme souche,
ayant ouï un chagrineux soupir.
    — Mais, mon Angelina, dis-je en
la prenant doucement dans mes bras, et en tâchant d’apercevoir sa face à
travers le désordre de ses blonds cheveux, te voilà toute en pleurs !
Qu’est cela ? Que veut dire ce chagrin ? Quel en est le
pourquoi ?
    — Que vous le savez bien !
dit-elle d’une voix fort sourde et petite, son corps étant quasi convulsé en
hoquets et sanglots.
    — Que je le sais bien !
répétai-je, béant. Angelina, que veut dire ce discours ? Ai-je fait aucune
chose qui vous ait navrée ? Auquel cas, il faut que vous me le disiez
incontinent, afin que je puisse rhabiller la navrure.
    — Celle-là, dit-elle entre ses
pleurs et larmes continuement versés, vous ne la pourrez si bien recoudre que
celle de vos patients et blessés.
    — Quoi ! dis-je, fort
alarmé, mais tâchant de gausser un peu, est-ce donc si grave ? Ai-je
commis telle capitale et gravissime faute envers vous que vous me deviez garder
une dent si mauvaise ?
    — Oui-dà ! dit-elle.
    Et rien d’autre, car ses sanglots à
la parfin cessant, et moi la pressant de questions et interrogations infinies
avec toutes les protestations et tendresses que m’inspirait pour elle mon
immutable amour, elle ne me voulut rien dire, mais échappant à demi à mon
étreinte, sa belle face détournée dont je ne voyais que le profil, elle demeura
coite et comme en statue de sel changée, l’œil fixe envisageant le vide, le
corps roide. Je fus une grosse heure à tâcher de la faire saillir de cette
morne immobilité, d’autant que commençant à soupçonner que son désespoir
prenait sa source en une jaleuseté qu’elle avait trop de hautesse en sa
complexion pour consentir à avouer, le pensement me poignit tout soudain
qu’elle avait eu vent, se peut, de mon affaire avec Alizon en Boulogne, tant
est que ma conscience me

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