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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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une cotte de
mailles sous son pourpoint. Ne voyant derrière lui que Du Halde et moi, qui
étions debout contre la tapisserie et l’air fort pacifique (encore que nos
pensées l’eussent sur l’heure dépêché, si elles en avaient eu le pouvoir) il se
rassura et ressaisissant son fil, reprit son véhément discours quoique sur un
plus bas diapase.
    — Je me plains, Sire, du
mauvais traitement qu’on fait aux villes qui ont demandé l’extirpation de
l’Église prétendue réformée. On a ruiné la citadelle de Mâcon qui
l’avait quise ! On a surpris Valence ! On a disgracié
Brissac, Croisilles, Gessan et Entragues pour ce qu’ils étaient de la Ligue ! On a perverti l’usance des deniers qu’on avait pour la guerre
amassés ! Et par là, poursuivit-il aigrement, (cette cascade de
« on » ne pouvant désigner que le Roi) il y a grande apparence qu’on
ait encore quelque envie de remettre l’hérésie dessus.
    — Tant s’en faut, dit le Roi
avec feu, qu’il y ait Prince au monde qui ait plus cœur que moi à l’éteindre.
Mais je trouve que ceux de la Ligue y marchent d’un fort mauvais pied. Ce qui
me fait croire, poursuivit-il, son bel œil noir jetant tout soudain un regard
étincelant au Duc, qu’ils aspirent à quelque chose de plus.
    Ces paroles et ce regard étaient si
clairs que le Guise pâlit, ouvrit la bouche, la ferma et derechef porta son œil
autour de lui d’un air suspicionneux. Mais Épernon, assis sur une escabelle,
croisant les bras, la paupière baissée, et tous autres qui étaient là étant
plus immobiles que souches, il reprit cœur, quoique avec l’air quelque peu
interdit d’un chattemite, lequel se voit ôté son mantel d’hypocrisie, et se
sent nu et vergogné.
    — Mais, Sire, dit-il d’une voix
sourde et se donnant quelque peine pour reprendre sa crête, y a-t-il apparence…
    — Il y en a plus que je ne
voudrais ! dit le Roi, le coupant à son tour. Qui ignore en ce pays qu’on
m’a demandé des places de sûreté contre les huguenots en des provinces où il
n’y avait pas lieu de les craindre, ni en corps ni en âme ; qu’on m’a
surpris et pris Dourlens et Pondormy ; qu’on m’eût surpris Boulogne si le
vaillant capitaine Le Pierre n’avait détourné le coup ! qu’ on m’a
tué le capitaine Le Pierre dans une querelle d’allemand pour le punir d’avoir
servi fidèlement son Roi ; qu’on a bâti une citadelle à Vitry-le-François
contre moi ; qu’on a refusé le gouverneur que j’avais nommé à Rocroy. Et
pour le regard des deniers dont vous vous plaignez, poursuivit-il, passant du
« on » au « vous » avec un brusque brillement de sa
prunelle, n’avez-vous pas prodigué les cent mille écus qu’on vous donna pour le
bâtiment de la citadelle de Verdun ? Ha ! dit-il, je n’en finirais
pas, si je devais tout dire ! Mais il y a beaucoup de choses que je passe,
pour ce qu’elles valent mieux tues que dites pour votre honneur…
    — Mon honneur, Sire ! cria
le Duc, lequel derechef perdit ses couleurs et s’encontrant le dos au mur après
ce brusque et frontal assaut, parut disposé à rassembler ses forces éparses
pour rompre, son honneur (lequel dans la réalité, était depiéça défunt) ne lui
permettant pas de demeurer plus outre en la place.
    Ce que voyant le Roi, et ne voulant
pas d’une rupture qui n’entrait pas dans ses plans – pour ce qu’il
escomptait que, s’il fallait en venir à la guerre, comme il y avait apparence,
vu la roideur de la Ligue, la grande armée étrangère pourrait d’aventure
accabler celle du Duc – il changea tout soudain de face, de voix, de geste
et de regard avec une émerveillable souplesse, et prenant le Guise quasi
amicalement par le bras, il lui dit sur le ton le plus enjoué :
    — Mon beau cousin, n’en parlons
plus. Vous alléguez mes contraventions au traité de Nemours. J’allègue les
vôtres. Elles sont contrepesées les unes aux autres. Il faudra y donner bon
ordre, s’il est possible. Mais pour l’instant – auquel sa peine
suffit – allons aviser, avec mon Conseil, comment assaillir les huguenots
et rompre l’armée des reîtres quand elle nous tombera sus. Mais devant que nous
y allions de concert, mon cousin, j’aimerais que vous accommodiez de votre
mieux avec le Duc d’Épernon, lequel aspire fort à l’honneur de votre amitié.
    Le Roi dit cela sans rire le
moindre, alors même qu’il savait, comme tout un chacun dans ce royaume,

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