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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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cavalletta se livrait à quelques pratiques
magiques, vendant à haut prix des poupées envoûtées et des philtres (voire se
peut quelques petits poisons) je me fis montrer la fenêtre de sa chambre par
Giacomi (pour qui, semblait-il, elle avait eu quelques faiblesses) et ayant
obtenu du Roi qu’il me prêtât cinq de ses quarante-cinq pour cette
expédition (dont La Bastide et Montseris) je m’introduisis vers la minuit par
le moyen d’une échelle et d’un carreau brisé, en ladite chambre, laquelle,
réchauffée d’un feu flambant, attendait, pour l’accueillir, qu’elle eût fini
ses damnables occupations.
    L’attente étant longuette, j’en usai
pour fouiller les lieux, et fus heureux assez pour découvrir dans une corbeille
à chiffons, une poupée à la ressemblance du Roi, laquelle avait le cœur
transpercé d’une aiguille. À vrai dire, la ressemblance tenait tout entière
dans le fait que la poupée était mâle et portait couronne, et aussi à que
j’observais de plus près, des boucles d’oreilles en perles de part et d’autre
de la face. L’étrange était que ces boucles de perles étaient cousues à la joue
même, l’oreille ayant été omise par le façonneur, se peut afin de simplifier
son labour.
    Oyant des pas dans l’escalier, je
n’eus que le temps de fourrer ma trouvaille dans mes chausses et de remettre
mon masque, ne voulant point que la cavalletta pût me décrire à
quiconque, si je faillais à la persuader. Et la fortune me favorisa fort en
cette occasion, pour ce que l’huis s’ouvrant, je vis la cavalletta, mais
je ne vis pas qu’elle, son mignon la suivait, que je reconnus, rien qu’à jeter
l’œil sur lui, pour le Venetianelli, d’après la description que m’en avait
faite Giacomi. Les voyant donc tous deux dans la nasse et l’huis reverrouillé
par les soins du mignon, je saillis de derrière les courtines, mes cinq
Gascons, de derrière les rideaux, et tous six les ayant entourés, les dagues en
main, je dis sur le ton le plus uni :
    — Je vous demande en grâce de
vous accoiser : crier serait si fatal à vos gorges.
    À quoi la cav a lletta, qui me parut mériter son nom de sauterelle par la hauteur de ses gambes, la
longueur de ses bras, une face fort longue elle aussi, et des yeux très
saillants, dit sans battre un cil :
    — Que quérez-vous ? Des
pécunes ? Il n’y en a point !
    — Fi donc, Madame !
dis-je, ai-je la tournure d’un mauvais garçon, moi qui les pourchasse ?
Vous savez peu à qui vous avez affaire.
    — Monsieur, dit la cavalletta, la crête haute, et aussi peu déconfortée que si nos dagues
avaient été en carton, je sais dans tous les cas que je n’ai pas affaire à
vous !
    — N’en jurez pas ! dis-je,
sourcillant à son insolence, la corde a bien affaire aux pendus et le bûcher, à
la sorcière. Et je doute, Madame, que vous soyez incombustible, quelques hauts
appuis que vous ayez, lesquels vous pourraient sacrifier, si les pratiques
auxquelles vous vous livrez leur paraissent trop criminelles pour ne les pas
compromettre. Vous n’ignorez pas le souci que les Grands ont de leur bonne
renommée.
    — Monsieur, je ne vous entends
pas, dit la cavalletta.
    — Madame, dis-je en appuyant
avec force sur le mot, c’est magie que vous ne m’entendiez pas, mes
assertions étant si claires, et la preuve se trouvant dans mes chausses.
    À quoi je la vis jeter un coup d’œil
à sa corbeille à chiffons et pâlir, mais cependant sans perdre contenance, au
rebours du Venetianelli, lequel nos dagues et mes discours avaient tant
décomposé que je pouvais voir, en baissant l’œil, ses gambes trémuler sous lui.
    — Eh bien, Monsieur, dit-elle,
la crête haute, puisqu’il faut vous ouïr, je vous ois. Que quérez-vous ?
    À quoi sans répondre, je
l’envisageai en silence et la trouvai très étrangement faite, ayant la tête
petite (quoique fort ovale et le menton pointu) les épaules estéquites, le
torse bref et les pattes, comme j’ai dit, fort longues, à telle enseigne que,
ne pouvant les voir en raison de son vertugadin, on eût pu penser qu’elle était
montée sur des échasses. Quant à ses bras, qu’elle tenait repliés, les coudes
dehors et les mains jointes devant son épigastre, j’avais le sentiment que si
elle les dépliait, elle pourrait toucher le mur derrière mon dos. Cependant,
malgré ces disproportions, la cavalletta n’était point laide. Ayant
l’œil noir fort vif, quoique dur, le

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