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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pas
mordre qui me nourrit.
    — Signor, dis-je avec un
sourire, le scrupule d’une conscience est bien moins aiguisé qu’une aiguille
dans le cœur d’une poupée. L ’Auberge des deux pigeons me voit souvent à
la nuitée. Vous y trouverez mon oreille large ouverte, pour peu que vous y
demandiez M. de La Bastide. Signor, je vous souhaite la bonne nuit et vous
déconseille de quitter Blois, votre départir pouvant être tenu à fuite par les
suspicionneux.
     
     
    Ceci se passait dans la nuit du
15 décembre et je n’eus pas longtemps à attendre pour ce que, le 18 au
soir, La Bastide qui jouait aux dés avec Montseris dans la salle commune, m’annonça
le signor Venetianelli.
    Sur quoi, et La Bastide saillant
hors, je fis cacher mon Miroul avec une écritoire derrière les courtines du
lit, afin qu’il pût prendre quelques notes de cet entretien et me masquai,
ayant peu fiance à l’homme, lequel, quand il entra, me parut fort défiant lui
aussi de moi, jetant un œil tant craintif sur les courtines closes que je lui
dis en riant :
    — Signor, je n’ai pas caché là
des spadaccini pour vous occire. Asseyez-vous céans, près de moi, sur
cette escabelle, et me dites votre conte que je suis fort curieux d’ouïr et de
comparer à celui que l’on m’a fait déjà. (Ayant, comme le lecteur l’a deviné,
inventé une mouche qui n’existait point pour inciter celle-ci à ne bourdonner
que le vrai.)
    — Monsieur, dit le
Venetianelli, vous savez donc déjà qu’il y eut une repue chez M. de Guise, hier
soir, à laquelle étaient présents le cardinal de Guise, l’archevêque de Lyon,
le vieux président de Neuilly, La Chapelle-Marteau, Maineville et M me de Montpensier.
    — Je sais cela, dis-je, fort
déconforté en mon for, pour ce qu’il n’y avait à ce souper et formant le
conseil du Guise que des furieux, tous haïssant le Roi, à commencer par
l’archevêque de Lyon, à qui Henri avait reproché sa simonie et son inceste avec
sa sœur et qui, en concevant une fort mauvaise dent, avait inspiré un libelle
infâme contre le Roi et d’Épernon ; Neuilly, qui ne pouvait dire deux mots
sans larmoyer, avait le cœur si tendre qu’il avait, seize ans plus tôt, profité
de la Saint-Barthélemy pour faire assassiner le président de La Place pour
avoir sa charge de président à mortier. La Chapelle-Marteau, le grand
escogriffe jaune au nez tordu qui avait soulagé Alizon et moi de trois écus le
jour des barricades, était conseiller à la cour des Comptes et « faisait
très bien les siens ». Le seigneur de Maineville qui figurait tant de fois
sur les rapports de Mosca comme ayant servi de truchement entre le Guise et la
Ligue à ses débuts, je connaissais, sans l’avoir encontré, pour un homme froid,
cauteleux, et ne faisant pas plus de cas de la vie d’un homme que de celle d’un
poulet. Quant à la Montpensier, elle a éclairé tant de pages de ce présent
récit de sa sulphureuse lumière que je laisse au jugement du lecteur le soin de
la qualifier.
    — M. de Guise, dit
Venetianelli, paraissait quelque peu déquiété, et son frère le cardinal lui en
ayant demandé la raison, il dit qu’il avait reçu tant d’avis, et de tant de
côtés, que le Roi le voulait dépêcher, qu’il se demandait, pour ses propres
sûretés, s’il ne devait pas quitter Blois.
    « — Nenni !
Nenni ! cria M. de Lyon, Monseigneur, il n’y faut point penser ! Qui
quitte la partie la perd ! Aurons-nous jamais meilleure occasion que
celle-ci, les États, étant tout à nous ! Le Roi n’est pas fol, il ne
voudra pas se perdre en vous perdant. En outre, il est plus femelle que mâle et
n’aura jamais la pointe qu’il faut pour machiner une meurtrerie, quand bien
même il y songerait. » Monsieur, poursuivit Venetianelli, reprenant son
ton ordinaire, vous savez sans doute que M. de Lyon attend le chapeau de
cardinal et qu’il craint qu’il ne lui échappe, si M. de Guise achoppe.
    — Je le sais, dis-je gravement.
Poursuivez, Signor  : cet «  échappe », et cet
«  achoppe  » sont du dernier galant. On voit bien que c’est de
votre natale Italie que nous viennent ces «  concetti [83]  »
qui ont tant fait pour le poli de notre langue.
    — Monsieur, la merci à vous,
dit Venetianelli qui parut ravi de mon compliment, s’aimant lui-même à la
fureur, à ce que je pus voir, pour ce que, tout en parlant, il envisageait à
s’teure ses belles mains et à s’teure sa propre

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