Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
(encore que je ne sois pas
non plus sans piaffe, mais certes moins naïve que la sienne) et dire
coutumièrement, ce qui le ravissait, qu’il était le dessin achevé et moi,
l’esquisse.
    Si c’est un bien traître ami que le
miroir qui ne laisse pas, quand on s’y mire, de vous déceler le laid en même
temps que le beau, et aussi les griffes des années par lesquelles, la Dieu
merci, je n’étais pas encore, à vingt-trois ans, impiteusement graffigné, mon
Quéribus, lui, était miroir bénin, suave, et fort embellissant et qui me
confortait à l’extrême, pour peu que je voulusse bien oublier que je n’étais
pas tant beau que lui – à quoi j’arrivai fort bien, quand je l’aimais, et
mieux encore, quand je l’aimais moins. Car encore que mon amitié pour lui ne
tombât mie en froidure, elle ne pouvait qu’elle ne fluctuât un petit, selon que
je voyais davantage l’une des deux faces de Quéribus : l’homme ou le
muguet.
    — Baron, dis-je en le secouant
à la fin, qu’êtes-vous là à vous apparesser sur votre coite, quand je sais
quelqu’une qui est déjà debout, fraîche, parée, joyeuse et gloutissant pain,
lait, jambon et autres viandes en la grand’salle.
    — Ha ! dit-il mi-réveillé,
mi-cillant et s’asseyant sur son séant (ce qui le fit grimacer). Où dites-vous
que s’encontre ma belle ? Vertudieu ! J’y cours !
    — N’y courez point tout nu,
vous offenseriez la pudeur ! Et ne jurez point, de grâce, en ces murs
huguenots ! Et troisièmement, Monsieur mon frère, apprenez de moi, tout en
mettant votre vêture, que mon père, ayant accepté pour moi la condition du Père
Anselme, il n’y a pas apparence, comme vous aimez à dire, qu’il la refuse pour
Catherine.
    — Ha ! Mon frère !
Mon bon frère ! s’écria Quéribus en se ruant à moi et à soi me serrant.
Quel bon ange de Dieu vous êtes de me faire au lever cette annonce !
    — Ventre Saint-Antoine !
dis-je en riant, si moi, je suis un ange, c’est que la divine cohorte est plus
garnie en sexe qu’on ne le dit ! Baron, plaise à vous de me répondre sur
un point qui est pour moi d’immense conséquence. Est-il constant que je sois
commis médecin du Roi, et par qui ?
    — Mais par le Roi ! dit
Quéribus en s’esbouffant, la main sur la bouche, à la façon des coquardeaux de
Cour.
    — J’entends bien. Mais de
soi ?
    — De soi. De moi. De Fogacer.
    — Ha ! dis-je,
Fogacer !
    — Et moi ! dit Quéribus,
d’un air piqué. M’apensez-vous muet quand il s’agit de chanter votre los devant
Sa Majesté, laquelle, de reste, se ramentoit fort bien de vous et vous tient
pour fort homme de bien, ainsi que votre père, dont il sait combien il fut à
François I et Henri II serviteur dévoué et loyal. Et dès qu’il apprit
mon propos de m’allier à votre famille en mariant votre sœur et le vôtre, de
vous allier aux Montcalm en épousant ma cousine, il conçut le projet d’avoir en
sa Cour en même temps que moi, vous, Monsieur votre père et M. de Montcalm (à
qui il a dessein de bailler quelque charge au Louvre) tant il a appétit à
rassembler autour de lui des amis sûrs et fidèles, et qui lui doivent tout,
sachant son pouvoir de toutes parts menacé par les factions qui déchirent son
royaume.
    — Mais, Monsieur mon frère, je
suis huguenot. Mon père aussi.
    — Le Roi ne craint point les
huguenots, dès lors qu’ils l’aiment et le servent. Il n’est point tant ennemi
de Henri de Navarre que du Guise, de l’Espagnol et des prêtres guisards.
    — Je ne sais ce qu’il en sera
de M. de Montcalm, dis-je après m’être un petit réfléchi, mais je doute que mon
père accepte de quitter Mespech, ayant tant à cœur le ménagement de ses terres
et y ayant tant innové et acheté qu’on le cite en modèle dans tout le pays
alentour.
    — J’ai dit au Roi ce qu’il en
était, et le Roi ne veut point presser votre père. Mais il opine que le baron
de Mespech, s’il estime son Roi menacé, pourrait un jour, comme Cincinnatus,
quitter la charrue pour l’épée.
    — Ha ! dis-je ravi, je
répéterai à mon père ce propos qui tant l’honore, venant de cette auguste
bouche.
     
     
    L’escorte de Quéribus étant si
nombreuse et brillante, mon père résolut de n’emmener avec nous en notre voyage
à Barbentane que Giacomi, Cabusse, Fröhlich et Miroul, ces deux derniers étant
nos valets, Giacomi notre ami et maître en fait d’armes et Cabusse, pour

Weitere Kostenlose Bücher