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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ainsi
dire, notre féal, depuis qu’avec la picorée qu’il avait faite au siège de
Calais il avait acheté le Breuil, mais fort appétant, toutefois, à nous
accompagner par les pechs et combes du plat pays, ayant gardé de son état de
soldat l’humeur aventureuse.
    Quatre, c’était fort peu pour le
baron de Mespech et s’il eût osé, mon Quéribus eût sourcillé que mon père n’eût
pas suite plus magnifique, mais il avait déjà trop à faire à le persuader de
vêtir Catherine comme il la voulait pour son mariage et de faire attifurer de
neuf et lui-même, et moi, et notre escorte, pour trop appuyer sur la
chanterelle du nombre, préférant faire vibrer la corde de la qualité. À quoi il
n’épargna ni effort ni labour et le maître-tailleur de Sarlat venant tout
exprès en nos murs pour prendre nos mesures, il dessina, au grand ébahissement
de l’artisan périgordin, un pourpoint et des chausses à la mode de Paris qu’il
voulait qu’on reproduisît, à tout le moins pour mon père, pour moi et pour mes deux
compagnons, Miroul et Fröhlich recevant des livrées.
    — Des livrées ! me dit mon
père en sa librairie, qu’ai-je à faire de livrées pour mes gens ! Ne
labourent-ils pas aussi bien sans livrées ? Par ma foi, ce beau muguet
nous va ruinant en somptuaires superfuités ! Que penserait mon pauvre
Sauveterre de ces sottes vanités ? Vîtes-vous les chausses que le baron
nous a dessinées ? On dirait des caleçons de femme tant elles collent à la
cuisse !
    — Telles les veut la mode,
Monsieur mon père !
    — Et la mode, qui la
veut ?
    — Mais le Roi, j’imagine.
    — Le Roi se devrait de prime
s’inquiéter de son royaume où les factions tirent à hue et à dia. Mes vieilles
chausses bouffantes s’étaient à moi si commodément culottées que je suis bien
marri de les laisser en mes coffres pour m’aller attifurer en ces caleçons-là.
Cornedebœuf ! J’enrage de ces débours et de ce ridicule !
    — Mais, mon père, nous ne
pouvons aller contre : C’est la mode qui trotte en la capitale.
    — Ha ! dit Jean de Siorac
en levant les deux mains au ciel, que ne peux-je à la mode lui mettre le pied
de par le cul pour qu’elle regalope en Paris ?
    Je ris à cette petite gausserie,
encore qu’il ne m’échappât pas qu’il y avait en cette ire un élément de comédie
et peut-être de tendresse, comme si mon père eût voulu jouer le rôle de
Sauveterre, et pour ainsi parler, l’incarner en ses propos et son humeur, afin
que de le rendre un bref instant aussi présent dans sa vie qu’il l’était en son
pensement. Et bien assuré suis-je ce jour d’hui que je ne me trompai pas en cette
conjecture, pour avoir surpris mon père, plus d’une fois depuis, à cet
affectueux et quasi magique dédoublement par quoi, comme Ulysse, il faisait
boire du sang à l’ombre d’un mort en le faisant parler par sa bouche.
    Cependant, le maître-tailleur revenant
avec le pourpoint et les chausses lesquelles étaient vert tilleul (couleur de
ma défunte mère que le baron de Mespech porta sa vie durant) mon père, de
Sauveterre redevenu Siorac, ne fut point répugnant à les revêtir et marcha
qui-cy qui-là dans sa chambre et non sans se donner grand’peine pour celer à
Quéribus et à moi le plaisir qu’il trouvait à « ces sottes vanités ».
     
     
    Il fallut quasiment un bon mois pour
que fussent achevés ces préparatifs que je vis traîner jour après jour avec une
impatience à mes ongles ronger, mon Angelina m’étant maintenant si proche et
toutefois si lointaine et mon Miroul, certes, plus félice que moi puisqu’ayant
ouï le propos du voyage, il obtint de marier incontinent sa Florine selon notre
culte huguenot, en Mespech. Ce que voyant, ma petite sœur Catherine qui pour
chambrière ne pouvait avoir la Franchou qui allaitait encore et ne voulait la
Gavachette, contre les insolences de qui elle gardait une dent fort mauvaise
(l’appelant « escorpionne » et « serpente » à son nez), elle
quit de mon père Florine, mi pour s’obliger soi, mi pour obliger elle, et
moi-même y consentant pour la durée de ce voyage, voulant néanmoins retenir la
blondette et gentille garce au service de mon Angelina, Miroul demeurant mon
valet comme il y avait appétit malgré tout l’or qu’il avait tiré du massacreur
barbu de la Saint-Barthélémy (comme j’ai jà conté) or que, sur le conseil de
mon père, il avait confié à un honnête juif de

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