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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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moricauds d’Afrique, et même ces nains dont nos
galantes dames, à la Cour, sont raffolées. C’est placer la tentation trop près
de l’appétit. Et comment s’étonner après ces imprudences-là si quelque beau
matin, votre épouse vous baille un fils un peu trop noir de peau, ou un peu bas
sur pattes et comment ne pas avouer et avaler alors cette étrange progéniture
sans tout à plein se déshonorer ? Mais, vertudieu ! je m’égare. M me de Montcalm n’est point, elle, de cette farine-là et pour tout dire en un mot,
le danger ne courait point de son côtel, mais de Larissa.
    — Quoi ? Larissa !
Mais elle avait treize ans !
    — À peine ! et si
prodigieusement dissimulée que personne n’aurait rien su de son coupable
commerce si sa chambrière, de prime à elle fort connivente, mais prenant peur
qu’on ne découvrit la chose, prit le parti de la révéler à M. de Montcalm,
lequel fut peu sage, à la vérité, car en son irréfrénable ire, il irrompit en
la chambre de sa fille au milieu de la nuit, suivi de la chambrière, et y
encontrant le petit drole à sa fille emmêlé, tira tout de gob son épée.
    — La Dieu merci, le
tua-t-il ?
    — Il n’en eut pas le temps. Le
page, épouvanté, se rua hors la coite, se défenestra et chut si mal qu’il se
brisa le col. À quoi Larissa, poussant des cris ou plutôt des ululements qui
tenaient plus de la bête que de l’humain et entendant bien qui l’avait trahie,
saisit sous son oreiller un petit poignard et le plongea dans la poitrine de sa
chambrière, et se fût elle-même occise, si Montcalm n’avait arrêté son bras.
Après quoi, se versant à terre, elle s’y roula dans des contorsions atroces,
l’écume à la bouche et poursuivant des heures durant sa stridente hurlade,
l’œil exorbité, les traits de sa face tordus, la peau tant rouge qu’enfer
rougeoyant et faisant battures et morsures à quiconque l’approchait.
    — La Seigneur Dieu ! Deux
morts et une folle pour une coquelicade !
    — Non point deux. Contre toute
attente, la chambrière survécut, mais les médecins, ayant examiné Larissa et
l’ayant trouvée saine en toutes les parties de son corps, opinèrent que la
prétendue intempérie de la patiente étant telle qu’ils ne la pouvaient
découvrir ni connaître, ni par conséquent curer par leurs remèdes, elle ne
pouvait qu’elle ne fût du démon possédée.
    — L’émerveillable
diagnostic ! m’écriai-je, indigné. N’est-ce pas supposer que toutes les
humaines maladies sont par nous inventoriées ?
    — Je ne sais ce qu’il en est,
dit Quéribus, mais tant est que le déportement de Larissa en la suite parut
donner raison aux médecins, car à s’teure apathique et prostrée en un coin de
sa chambre, elle pleurait sans un cri, dodelinant de la tête et à s’teure
reprenant son insufférable hurlade, elle se roulait au sol, écumante, battait
et graffignait soi, et à s’teure encore, dénattant ses cheveux, et se dérobant
tout à plein, elle courait nue par le château, se ruant à tout homme qui
s’encontrait sur son chemin, jeune ou vieil, à soi le serrant et l’accolant,
avec un visage enflammé et proférant d’une voix rauque mille obscènes invites
et incitations.
    — Ma pauvre Angelina fut-elle
le témoin de ces extrémités ?
    — Non point. On l’avait
éloignée. Et quant à Larissa, les Montcalm décidèrent de la montrer à un
capucin de Montpellier, fort docte en démonologie, le Père Marcellin, lequel
ayant observé la pauvre garce en toutes les phases de ses étrangetés, nous
déclara qu’il avait relevé en elle les indices certains et avérés de la
satanique possession. À savoir, premièrement le visage effarouché, l’œil
épouvantable, la contenance hideuse ; deuxièmement, de grands tourments et
tranchées par le travers de l’épigastre, des boyaux et des parties
honteuses ; troisièmement, une extrême torsion de torse et de bassin dès
qu’elle se versait à terre ; quatrièmement, un appétit continuel et
frénétique à l’homme ; cinquièmement, une volubilité de paroles sales,
fâcheuses ou lubriques dès que sa volonté était prise à rebours.
    Le Père Marcellin en conclut que
Larissa était la proie de cinq démons différents, en elle à demeure accrochés,
mais qu’il se faisait fort de jeter hors par la vertu de son exorcisme.
    — Et le fit-il ?
    — Nenni ! Il le tenta à ma
remembrance trois fois, et trois fois y faillit.

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