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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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y menait, entouré de ses hoquetons blancs, la pique au poing, c’était
comme je l’appris d’un bon bec badaudant, le lieutenant de la prévôté, Maître
Nicolas Poulain.
    — Quoi ! Maître
Mosca ?
    — Ipse [19] .
Par la male heure, mal éclairé qu’il était, je ne le reconnus céans que sur son
parlement, sans cela je vous l’eusse dit en oc à l’oreille et la nouvelle eût
pu vous épargner quelques clicailles.
    — Quoi ? Qu’est
cela ?
    — Eût-il pu tant écorner vos
pécunes, si vous aviez su qu’il était un officier du Roi ? lequel, certes
n’est point assez haut pour être vu à la Cour et encontré par vous. Comme quoi,
Moussu, il apparaît, ajouta Miroul (qui ne put se retenir à la parfin – in
cauda venenum [20]  –
de me bailler leçon), qu’il vaut mieux, dans les occasions, courre les rues de
Paris que les galeries du Louvre.
    Je souris à ce trait, mais sans le
relever, ne sachant plus bien, après tant d’années passées côte à côte lequel,
à la vérité, de Miroul et de moi est le maître, car tant je le gronde, tant il
me tance, ne laissant rien passer qui l’a navré et s’en revanchant tôt ou tard.
Ainsi en est-il, en mon opinion, du seigneur et du valet, pour peu que
l’affection s’y mêle, le Roi lui-même étant, pour ainsi parler, commandé par
ceux qui lui obéissent, lesquels, filtrant à lui les nouvelles qui leur
agréent, et elles seules, lui insinuent aussi la façon d’y répondre.
     
     
    Mon pauvre Giacomi était dans la
désolation à savoir sa Larissa si proche, et tant inaccessible derrière les
murs de l’abbaye, où j’opine que Samarcas l’avait serrée pour ce qu’il avait
discerné les progrès que le maestro avait faits dans l’affection de sa
pupille et ne voulait point, pour cette raison, descendre chez les Montcalm, le maestro y étant à toute heure le très bien venu, et Samarcas lui-même
perpétuellement hors logis, vaquant plus à ses affaires qu’à ses prières. Pour
moi, il ne m’avait pas échappé que pendant ces dix ans écoulés, Giacomi n’avait
eu que Larissa imprimée en son cœur, quels que fussent les humbles cotillons
qu’il courut par ailleurs, ne voulant point vivre tout à plein escouillé, mais
refusant à toutes mains mariage, dans l’espérance d’avoir Larissa un jour pour
épouse, tenant pour rien les désordres antérieurs de la pauvrette, puisqu’ils
lui avaient été, dans son opinion, insufflés par les diables et diablots qui
s’étaient mis en elle.
    Et je ne laissai pas de m’apenser
aussi que si Samarcas disparaissait, les Montcalm n’eussent pas tordu le nez
longtemps à ce projet, Giacomi étant à l’évidence un homme de qualité, en
éclatante faveur auprès du Roi, lequel, pour le remercier de ses bonnes leçons,
l’avait anobli du titre d’écuyer et enrichi d’une petite terre dite de la
Surie, dont Giacomi avait pris le nom pour franciser le sien. En outre, le
maître Silvie se faisant vieil, Giacomi avait pour élèves les plus grands
seigneurs du royaume, et s’étant bien fait la main de leurs libéralités, avait,
de ses pécunes, acheté une fort belle maison en la grande rue Saint-Honoré avec
bretèche et pignon, si bien que vivant là un train à l’italienne, on le tenait
même pour plus étoffé qu’il n’était.
    Quant à Larissa et Giacomi, pour
parler présentement des deux ensemble, sans qu’ils eussent pu, au long de ces
dix années, échanger plus de dix mots et plus de dix baisers, les rougeurs à la
rencontre, les pâleurs au département, et en toute entrevue, le parpal haletant,
le cœur oppressé, le balbutiement, le tremblement des mains, les sueurs
subites, les faiblesses des gambes, et par-dessus tout, et en toutes occasions
où d’autres gens se trouvaient là (et à peu que les pauvrets se fussent jamais
trouvés seuls, quelque effort que j’y fisse) l’éloquence torrentueuse, quoique
muette, des yeux brillants de liesse, ivres d’appétit, ou de larmes embués, les
avaient fait silencieusement s’entrejurer foi et fidélité mieux que n’eussent
fait les oraisons chuchotées de dix prêtres papistes.
    Et à cela songeant, en ma grande
amitié pour mon frère Giacomi et en mon amour, comme j’ai dit, non moins
grande, mais plus ambigueuse pour ma jolie sœur Larissa (cette ambiguïté
m’étant une raison de plus de les vouloir unir), combien de fois j’ai imaginé,
mi-rêveux, mi-dormant, que, défiant Samarcas, et avec cet

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