Le Prince Que Voilà
l’oreille de l’aller remplir
derechef où il savait, s’il me prenait appétit d’en savoir plus sur Samarcas.
— La grand merci à vous,
Monsieur le Chevalier, et à vous aussi, Maestro, dit Mosca, se filant de la
dextre sa fauve et hérissée moustache. La grand merci encore, et de ces
espèces, et de ne pas avoir attenté d’user de force avec moi pour le violement
et découvrement de mes secrets.
— Monsieur, dis-je, je ne porte
pas la main sur un outil du Roi.
— Je vous en sais grand gré.
Aussi vous en dirai-je davantage que je n’en avais le propos. Dame Larissa et
Samarcas ont pris la voile à Douvres le 28 avril à la pique du jour et ont
débarqué à Calais en l’après-midi, logeant à l’auberge du Mouton d’Or. Le 29, ils ont loué une coche pour la capitale et le loueur étant une mouche de
ma ruche, leur bailla un cocher qui me vint dire où ils logent en Paris. Lieu
qui ne fut pas sans m’étonner, sachant qu’à l’accoutumée, ils descendent chez
M. de Montcalm.
Et ici, comme Mosca s’accoisait,
Giacomi s’écria :
— Et où donc, Maître
Mouche ?
— Hélas, maestro, vous
n’y pouvez mettre le pied, et Monsieur le Chevalier pas davantage. Le lieu est
inviolable. C’est l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Le Roi lui-même n’oserait
en quérir l’accès pour sa prévôté tant il est déjà à messe déchiré et mis en
quartiers par tous les prêcheurs de la capitale.
— Mais comment, dis-je, (ayant
fort sur le cœur mes clicailles envolées) comment saurons-nous en ce cas que
Larissa s’y encontre bien ?
— Monsieur le Chevalier, dit
Mosca la crête redressée, je ne tiens pas boutique et marchandise de fallaces :
mes nouvelles sonnent tant clair et net que vos écus. De Dame Larissa, vous ne
verrez miette hors les murs, mais si vous postez votre vif valet non loin du
guichet de l’abbaye, vous en verrez demain saillir Samarcas, l’épée au côté et
tranchant fort du gentilhomme. Mais pour l’amour du Ciel, ne le faites pas
suivre. J’ai déjà une mouche à sa queue, et la vôtre me gâterait tout.
— Vous le faites suivre ?
dis-je. Et pourquoi ?
— Plaise à vous, Monsieur le
Chevalier, dit Mosca avec un sourire, de vous ramentevoir notre barguin.
— Ha, Monsieur ! Cent
écus, c’est prou !
— C’est peu, s’agissant d’un
secret d’État.
— Que je ne sache pas que j’ai
tant intérêt à connaître !
— Que vous avez, Monsieur le
Chevalier, le plus grand intérêt à connaître, pour ce que, pour la male heure,
il est lié à la sûreté et la vie d’une dame de votre famille.
À quoi je vis Giacomi pâlir, et se
donner peine à rester muet, comme je l’en avais quis. Et pour moi, le cœur ne
laissait pas non plus de me toquer dans le pensement du péril que courait
Larissa à se trouver au beau mitan des toiles que tissait le jésuite.
— Miroul, dis-je, à la parfin
me décidant, compte cent écus à Monsieur Mosca.
Ce que fit Miroul, non sans un
certain air rechigné et mal’engroin, étant fort dévoué à mes intérêts, et
moi-même envisageant non sans humeur mes belles pécunes passant de mon
escarcelle à celle de Mosca. Mais d’un autre côtel, il ne m’échappait point que
ledit Mosca, bien loin d’être un espion chétif, volait fort haut au-dessus de
la ruche des mouches, qu’il en était le chef et le guide, qu’il mettait de
reste une sorte d’honnêteté en son déshonnête barguin, que ses nouvelles
sonnaient franc et qu’elles pouvaient être d’immense conséquence, non seulement
pour ma famille, mais pour mon maître et bien-aimé souverain, lequel j’ardais
fort à servir dans l’extrême dénuement, détresse et péril où il s’encontrait,
trahi de toutes parts et de toutes parts attaqué.
Quand mes pauvres pécunes eurent
tristement tintinnabulé dans la bourse de Mosca, celui-ci en tira les cordons
comme s’il eût voulu l’étrangler, l’enfouit dans une poche dissimulée sous
l’aisselle de son pourpoint et de sa dextre se fila longuement sa moustache
roux renard en contenance tant joyeuse qu’à peu qu’à l’envisager ma gorge se
soulevât.
— Monsieur le Chevalier,
dit-il, me voyant sourciller, j’entends bien que vous avez peine à vous séparer
de vos clicailles, bon huguenot que vous êtes, malgré que vous alliez à
contrainte, comme disent ceux de vos frères qui à la Cour calent la
voile.
— « Aller à contrainte », dis-je, qu’est
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