Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
(le carreau étant du côté où j’étais assis
dans la coche) un mendiant en guenilles grisâtres se couler entre les murailles
et s’accroupir à quelques toises du guichet et y rester tant immobile qu’à peu
que je ne le confondisse avec les pierres de l’Abbaye, lesquelles étaient de la
couleur de ses loques, et cette confusion, à y penser plus outre, ne me
paraissant pas fortuite, je jugeai que ce caïman qui, du reste, ne saillait pas
des terriers du faubourg, mais de Paris, devait être la mouche que Poulain
avait attachée à la queue de Samarcas. En outre, on n’encontre point caïman où
n’est personne à quémander, et n’était-il pas étrange, qu’envisageant notre
coche et Miroul à la faction, le gautier ne fut point venu ramper de ce côté
pour nous tendre la main ?
    À peine, cependant, avait-il pris
place que surgit un autre guillaume, vêtu de noir comme un clerc, sauf qu’il
avait dague et épée, et un pourpoint qui n’était point coupé à la française,
lequel, après avoir jeté un œil comme indifférent à l’homme de Poulain et un
autre, plus vif, à notre coche, vint s’adosser assez loin du guichet contre la
muraille et se mit à se faire les ongles avec une paire de petits ciseaux.
Celui-là, que je jugeai être l’homme de Walsingham, ne me parut pas renvoyer
l’esteuf avec autant d’adresse que l’homme de Mosca, ne se fondant pas si bien
avec les alentours.
    Je jugeai, à ces deux présences,
l’une indiscernable et l’autre moins discrète, que Poulain avait dit vrai et
que le décor était planté pour le surgissement de la dramatis persona [21] que nous attendions – les deux mouches, Giacomi et moi, et Giacomi, à ce
que je vis, crispant quand et quand sa longue et fine main sur la poignée de
son épée. Sur quoi, voyant son émeuvement, et craignant qu’il le malconseillât
dans les occasions, je lui dis de souffrir que je le commandasse en cette
aventure et de ne branler mie de son chef, mais d’attendre mon mot.
    À peine avais-je dit que le guichet
de l’abbaye s’ouvrit (ce qui ne fut pas une plus petite affaire que le déclouir
du guichet du Louvre) et l’huis ouvert, deux grands sbires en saillirent,
l’épée au côté, lesquels avaient bien plus l’air de spadaccini [22] que de moines, et qui, jetant un œil à l’alentour, rentrèrent d’où ils étaient
venus et après un temps qui me parut infini, réapparurent, suivis cette fois de
Samarcas, lequel, à la vue de l’homme de Walsingham, marcha droit à lui, vif et
raide comme carreau d’arbalète et à une toise de lui dégorgeant contre lui un
torrent de mots furieux, dégaina. Le guillaume tout de gob mit l’épée à la main
et les fers se croisèrent et froissèrent sans que les spadaccini s’en
mêlassent, envisageant l’affaire de loin, la main à la hanche et le souris aux
lèvres, comme s’ils étaient très assurés de son issue.
    — Benoîte Vierge ! me cria
Giacomi à l’oreille, allons-nous laisser assassiner cet homme ? Samarcas
tire pour tuer ! Bien le vois-je !
    — Ha ! Giacomi !
dis-je, vous iriez tout perdre ! Si vous paraissez, même avec un masque,
Samarcas vous reconnaîtra à votre escrime. Il donnera de la voix. Nous aurons
sur le dos tous les moines en un battement de cils et qui pis est, le jésuite
saura que sa présence en Paris et ses intrigues sont connues des familiers du
Roi.
    — Ha ! dit Giacomi, je
vous obéis, mais, havre de grâce, n’y pouvoir rien faire ! Samarcas a tant
d’art et si peu d’entrailles !
    — Mais l’Anglais ne tire pas si
mal !
    — Il tire bien. Aussi
allez-vous voir jaillir la fameuse botte des jésuites ! Ouvrez l’œil, elle
ne va pas tarder ! Je la sens à l’ouïe qui vient ! Mon Pierre, c’est
un assassinat. Ce pauvre Anglais est vaillant et adroit, mais il ne sait point
qu’il n’a plus qu’une seconde à vivre !
    — Miroul ! dis-je,
apparais, le chapeau sur l’œil, et claque ton fouet du plus fort que tu
peux !
    Ce que Miroul fit incontinent et je
me suis apensé depuis que ce claquement soudain troubla notre bretteur assez,
non pour qu’il faillît sa botte, mais pour qu’il faillît à en tuer l’Anglais,
sa lame ne lui trouant pas le cœur, mais, comme j’observai une minute plus
tard, le poumon. Cependant, à la vue de Miroul les spadaccini avaient dégainé
et venaient à la coche. Sur quoi, je jugeai bon d’apparaître, Giacomi à mon
côté, nos épées hors

Weitere Kostenlose Bücher