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Le Prince Que Voilà

Le Prince Que Voilà

Titel: Le Prince Que Voilà Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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jusqu’à sa curation, si Dieu veut qu’il
guérisse.
    My Lady Stafford fut d’abord un long
temps sans me dire mot ni miette, m’envisageant cependant de son œil tout
ensemble si beau et si sagace que c’était un délice d’être par elle tant
regardé et parlant enfin, me ravit davantage, n’ayant jamais ouï une douce voix
féminine parler si mignardement la langue anglaise que je tiens pour une des
plus belles et des plus mélodieuses du monde, étant si fluide, flexible et
élégante que vous diriez la musique des sphères. Elle me dit que son mari
m’avait assurément de grandes obligations d’avoir pris soin de Mister Mundane,
mais que pour elle, elle n’entendait guère, après mon récit, quelle était la
raison pour laquelle je m’étais mis à tant d’incommodités et périls, si ce
n’est que je pensais par là être agréable à mon Roi, lequel avait un intérêt
manifeste à ce que rien ne vînt ébranler une couronne amie.
    Je lui dis que j’ardais en effet à
servir mon souverain, ce qui m’inclinait à être l’ami de ses amis, mais que
j’avais, en outre, un intérêt tout particulier dans l’affaire, l’homme dont
nous parlions tenant en son pouvoir et seigneurie la sœur de mon épouse, pour la
vie et la liberté de laquelle je ne laissais pas de trembler, la voyant engagée
si avant dans des aventures anglaises dont elle était cependant tout à plein
innocente, ayant l’esprit quelque peu dérangé.
    — Et comment, me dit my Lady se
nomme Madame votre sœur ?
    — Larissa de Montcalm.
    — Je garderai son nom en
l’esprit, dit my Lady Stafford, laquelle, me baillant derechef sa main à
baiser, me signifia par là mon congé, mais avec un sourire si enchanteur que
même au jour où j’écris ceci, je me ramentois l’émeuvement qu’il me donna.
    Ayant ainsi accompli à ma
satisfaction, et sans doute à la sienne, le propos que je m’étais fait de
l’entretenir d’une affaire de si grande conséquence pour ma famille et pour
Giacomi, je quittai la Comtesse de Stafford et me dirigeant vers la maréchale,
j’allais quérir de cette grande dévoreuse d’oraisons (et de boudins) la
permission de me retirer, quand tout soudain, il se fit à la porte du salon une
grande vacarme et les deux battants de l’huis ayant été déclouis par deux ou trois
faquins de valets en livrée chamarrée, apparurent, se tenant par le bras, et
plus superbes qu’oiseaux des îles en leurs magnifiques accoutrements, le Duc et
pair Anne de Joyeuse et son frère cadet Henri, Comte du Bouchage, grand-maître
de la garde-robe du Roi, suivis d’une nuée de gentilshommes de leur maison dont
seulement les plus élevés en rang pénétrèrent dans le salon en leur sillage,
les portes étant incontinent refermées sur le reste qui s’accommoda comme il
put de l’antichambre, n’y étant là que deux ou trois tabourets, à ce que
j’avais vu à l’entrant.
    Les deux frères qui paraissaient si
affectionnés l’un l’autre et se tenaient par le bras avaient tous deux la
taille élevée, la tournure fort élégante, le même visage allongé, le nez tirant
sur l’aquilin et les yeux bleu azur, et se seraient comme jumeaux ressemblés,
sauf que le cheveu et le collier de barbe, qui chez Anne étaient blond doré, se
trouvaient du roux le plus franc chez Henri, lequel aussi portait sur sa belle
face une expression austère et malenconique qui ne s’encontrait point sur celle
de son aîné, celui-ci bouillonnant de ris, de jeux, de grâces et de gaîté.
    Et à vrai dire, l’apparence du Comte
du Bouchage ne mentait point, le Comte n’ayant pas moins de dévotion que sa
mère, étant fiché dès l’enfance en de saintes habitudes, contre lesquelles les
délices et vanités de la Cour s’avérèrent sans force aucune, et bien incapables
de le retenir, à la mort de son épouse, de se cloîtrer chez les capucins,
échangeant le pourpoint emperlé des courtisans contre la bure et la ceinture de
corde.
    Pour Anne, dont la complexion, comme
la tête, était plus légère, il vivait dans l’ivresse, le tourbillon et
l’étourdiement des immenses bienfaits dont le Roi le comblait. Étant, tout au
rebours du Duc d’Épernon, bien inférieur à sa fortune, il se croyait fort
au-dessus, et à le voir pénétrer dans le salon de la maréchale et jeter à
l’entour ses regards ravis, je pouvais voir à ses yeux, à sa voix, à ses
gestes, à sa façon de se jeter sur un fauteuil qu’il vivait

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